30
octobre 2003
La mort par le frette! 2ème partie
Vers
le 30 octobre.
Nous avons continué
notre route quelques jours sur la 101 et plus loin, nous sommes arrêtés
à Sequim à la recherche des Fermes Dungeness. Après
avoir été dans la coop PCC de Seattle qui offre un support
financier aux agriculteurs locaux de l’État de Washington,
nous avons choisi d’aborder une problématique rurale. Nous
sommes donc allées chercher la Ferme organique de Nash. Nous
sommes arrêtées à la petite boutique de la ferme.
Les gens ont été très chaleureux. Nous sommes allés
à la grange pour trouver Nash et plusieurs personnes, surtout
des mexicains nettoyaient et triaient les bonnes grosses carottes. Nous
avons pris la route des champs où plusieurs travailleurs préparaient
la récolte de betteraves. Le temps pressait parce que des gelées
étaient attendues pour la nuit. On laisse donc nos bikes et on
va rencontrer le vieux Nash à côté du champ de carottes.
Il nous présente ces deux fidèles assistants Josh et Scott.
Deux grands gars aux cheveux longs nous accueillent avec un grand sourire.
Il nous montre leur machine pour ramasser les bettes. Ils nous invitent
à passer la nuit chez eux. Vers l’heure du souper, nous
les rencontrons à la grange et allons à la chaleur, manger
une bonne soupe chaude et de la salade fraîche. Pendant que les
deux petites filles de Josh déguisées en tutu courent
et sautent partout, nous discutons de la ferme bio et des projets de
Nash. On parle de la guerre en Irak et de ce que Bush et son équipe
transforment les Etats-Unis. L’ambiance est relaxe et on se sent
comme chez de vieux amis. Ces gens sont jeunes dans leur cœur,
accueillants, ouverts, simples et honnêtes comme des enfants qui
n’ont pas été aigris par la vie et par le temps.
Comme de nombreuses personnes que je connais qui entretiennent des relations
de solidarité et de partage avec leur entourage, ces gens sont
riches. Ce sont des gens qui n’ont pas peur de l’autre,
qui veulent vivre en communauté et qui savent qu’ils ont
besoins de l’autre. Nous allons finalement dormir dans un bon
lit chaud hummm…
Le lendemain matin nous sommes invités à déjeuner
chez Nash où chaque jeudi, une dizaine de gars du coin se rencontrent
et cuisinent des œufs brouillés, des gaufres et des crêpes.
Ils garnissent la table de confiture, des courges chaudes et de produits
frais provenant de la ferme et parlent de vélos, de voyage, de
politique et d’autres choses. Ces messieurs de différents
âges sont joyeux, très agréables et très
enthousiastes face à notre projet.
Le ventre trop plein, nous reprenons la route jusqu’à Port
Angeles. Nous devons nous débrouiller avec de très courte
journée à cause que le soleil se couche vers 17h et ne
se lève pas avant 7h. Même lorsqu’on voudrait continuer
à rouler, la noirceur nous empêche d’avancer. C’est
un peu le contraire de l’arctique où en été
le soleil m’empêchait de dormir la nuit. Nous dormons comme
des petits bébés vers 19h30 parce qu’il fait noir
et froid dans la tente, et qu’on est seulement bien lorsqu’on
est collé notre le sleeping (hihihi). Donc, à partir de
ce moment de l’histoire que nous avons commencé à
avoir vraiment frette et que nous avons senti l’urgent de descendre
le plus rapidement possible vers le sud et la chaleur. J’ai donc
découvert le merveilleux phénomène du raidissement
du coat de pluie jaune et de la pluie interne. En effet, le raidissement
du coat de pluie jaune se produit à des températures inférieures
à 10 degrés Celsius et rend tout mouvement difficile.
La pluie interne se produit lors d’une activité intense
à modérée, après une période d’environ
cinq minutes suivant le début de l’activité. À
cause de la transpiration, des gouttelettes se condensent sur les parois
froides du coat de pluie jaune, qui grâce au mouvement, retombent
en pluie sur le protagoniste.
Malgré ces petits détails désagréables,
la vie est belle et on est content de faire le tour de la péninsule.
Nous découvrons le Crescent Lake, un joyau émeraude entouré
par les montagnes et alimenter par des sources ruisselantes à
travers la forêt humide tempérée. Je voudrais arrêter
et vraiment vivre cette forêt; remonter un ruisseau, gripper au
sommet de la montagne, faire des gros câlins aux arbres géants,
me rouler dans un lit de mousse, mais nous devons garder la route. Le
froid est poignant et il nous presse. On se lève avec du givre
sur la tente et nos extrémités deviennent des blocs de
glace. Lorsque nous n’en pouvons plus du froid, nous arrêtons
pour prendre un café ou un chocolat chaud et on se dégèle
le bout des doigts en tenant le verre. Je peux dire que ça fait
vraiment du bien.
La 101 est assez calme à cette période de l’année
(il n’y a pas de touristes!!) et nous roulons avec plaisir dans
ce paysage qui alterne entre la mer et la forêt. On voit aussi
beaucoup de coupes à blanc à flanc de montagne. Lorsque
l’on traverse ces coupes-rase, Francis et moi roulons en silence,
comme si nous étions dans un cimetière. À Quinault,
on décide enfin que l’on ne quittera pas la Péninsule
Olympique sans avoir marcher dans la forêt primaire. Nous nous
arrêtons quelques jours. Les mousses et les fougères sont
touffues et remplissent chaque coin possible. Les arbres, le Sapin Douglas,
le Cèdre rouge, l’Épinette de Sitka sont majestueux.
Le
charme parfait d’un gros hot dog en plastique.
Plus loin, à
Aberdeen, je viens de réparer une crevaison lorsque la nuit tombe
et nous devons chercher une place où dormir. Nous arrêtons
dans un garage de chars usagés et Shirley, qui a pitié
de nous à cause du froid, nous invite à planter notre
tente derrière le garage et nous donne pleins de grosses couvertures
pour se tenir au chaud. Le tableau est vraiment drôle et contrastant
de voir les vélos et la tente entourées de carcasses de
vieilles voitures. Aberdeen est une ville industrielle fortement traumatisée
par les années 80, et évidemment la glamorous coupe Longueil
à la cote. Vous savez, le genre de ville où on a l’impression
que tout le monde est laid. En croisant un restaurant exhibant fièrement
un Hot Dog géant en plastique, nous nous rendons au Juicy Tan
ou bronzage juteux pour prendre un café. Hé oui! Un charmant
salon de bronzage et café si chaleureux avec des clients qui
savent se montrer fière de leur corps.
En fuyant Aberdeen,
nous nous rendons chez Raymond, une ville qui n’arrive jamais.
En cherchant une couverture chaude dans une quelconque armée
du salut, nous allons frappé à la porte de l’église
du Renouveau, l’église renouvelée, la nouvelle église
ou quelques choses du genre. Pendant que nous sommes sur le pallier
de l’église, un homme dans son camion nous interpelle.
Il nous invite gracieusement chez lui à manger et dormir. Je
crois que la deuxième question qu’il nous a posé
est : est-vous chrétien? Ceci allait être une soirée
fortement tumultueuse. Francis n’a presque pas parlé de
toute la soirée. Moi, j’ai malheureusement la tendance
de ne pas être capable de me taire lorsque je ne partage pas l’opinion
de quelqu’un. Et oui, je crois que plusieurs personnes peuvent
dire ça de moi. Je ne possède pas la sagesse de seulement
garder l’harmonie en acquiesçant à ce que l’autre
dit si je ne suis pas d’accord. Parfois j’y arrive, (je
l’ai appris en vivant avec mon beau-père, ouf!) mais pas
pour très longtemps. Lorsque le conflit n’appelle, j’y
plonge jusqu’au fond. Donc cette maudite tête de cochon
s’est bien vue embourbée dans des discussions interminables
et pénibles sur une foule de sujet. On doit comprendre ici que
selon monsieur, le monde est ségrégué entre deux
clans : les libéraux et les conservateurs. Après de nombreuses
discussions sur différents sujets, j’ai vraiment été
abattue d’apprendre que selon sa perception conservatrice, le
problème fondamental aux États-Unis est que l’État
est séparé de l’église. Ouf! Je n’ai
pas rétorqué là-dessus, je me suis dit : Jo, fermes
ta gueule! Il nous a quand même gentiment reçu chez lui
et nous a cuisiné un merveilleux souper que nous avons dégusté
avec lui et sa femme. Nous avons pu lavé nos vêtements,
prendre une bonne douche et dormir dans un lit confortable qui ont été
offerts en toute générosité. Finalement, le lendemain,
après avoir rouler plusieurs miles loin de ce lieu, j’ai
trouvé qu’au bout du compte, cette rencontre fut très
intéressante. C’est vrai, je veux dire, dans mon entourage,
j’ai rarement des discussions où les divergences aussi
fondamentales et où je dois expliquer l’origine de ma pensée.
Quoique périlleuse (!?), cette aventure fut aussi formatrice
dans la rencontre face à la diversité humaine.
Astoria
et le pont de 4 miles.
Après une
bonne journée de bike, nous nous dirigeons vers un pont de 4
miles de long qui nous fera passer de l’État de Washington
à l’État d’Oregon. Avec le vent de fou qui
souffle et le fait que nous devions rouler sur la chaussée puisqu’il
n’y a pas d’accotement et pas de trottoir, rend cette traversée
encore plus trépidante. On doit vraiment garder le contrôle
de notre vélo, malgré le poids et le vent. La vue est
superbe. Le soleil laisse poindre ses derniers rayons qui miroitent
sur l’eau en mouvement.
Nous arrêtons au Triangle, la plus vieille taverne d’Astoria
pour célébrer notre changement étatique et aussi,
parce que nous devons prendre une décision. Après une
bière, nous sommes saouls. Nous devons décider Portland
ou pas. La personne qui devait nous recevoir chez elle, semble peu enthousiaste
à nous recevoir. On veut pas vraiment forcer la note. Portland
= plus de froid, la côte = plus de chaud. On choisit la côte.
Le lendemain, on sent vraiment la différence. La route est bordée
par du sable et des arbres tortueux.