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15 décembre 2003
Bonbons et crise de nerfs

En continuant la chasse aux trésors qui doit nous mener jusqu’à notre caméra, nous arrêtons dans un marché de Bodega Bay, une petite ville charmante très populaire chez les surfers (en wetsuit biensûr). Nous rencontrons un gars joyeux qui avait fait le voyage en vélo de Vancouver jusqu’à San Francisco avec sa femme. Il nous dit d’aller le rejoindre à sa boutique juste en face. La porte était à demi-close et les clés étaient dans la serrure. Sa femme surgit, sursautant à notre vue. Son mari arrive avec du coke diet, et tous les deux, pleins de taches de peinture des rénovations en cours, nous offrent gentiment des toffees de toutes les couleurs. Quels gens magnifiques, des cyclistes tenant un magasin de bonbons. Je trouve ça fou à quel point cette relation se comprend. J’ai tellement l’impression que je m’assume en tant qu’enfant lorsque je suis au volant de Bertrand. Après un dîner avec des mouettes voraces à la marina de la ville, nous avons piquer vers l’intérieur des terres, vers Sebastopol.

De grands Eucalyptus bordent la route et malgré la bonne odeur qui s’en dégage, on ne me trompe pas. Je sais que l’Eucalyptus est une espèce exotique à croissance rapide provenant d’Australie. Une espèce qui ne soutient pas beaucoup de biodiversité à cause des métabolites secondaires qu’il produit et qu’il est utilisé pour reforester sans prendre en compte les espèces indigènes. On peut le constater avec les débris de feuilles et d’écorce qui traînent à ses pieds. Ici, c’est toujours moins pire puisqu’il est surtout utilisé de manière ornementale et non pas dans un programme de reforestation comme au Vietnam et presque partout où l’on rase la forêt tropicale. Nous traversons de nouveau la chaîne de montagnes qui ressemble plutôt à des collines dans ce coin de pays. La route devient plus large et nous devons même rouler sur l’autoroute. C’est avec un stress intense que l’on traverse l’heure de pointe comme deux morons qui ne sont pas où ils devraient être.

À Santa Rosa, nous sommes dans ville et le soleil se couche lentement. Une femme faisant son jogging nous indique le camping municipal. Nous traversons le parc avec les derniers rayons de soleil et soudain, j’ai une crevaison. Christ, chu fatiguée, pis c’est vraiment la dernière chose que je voulais. Je démonte donc tout l’équipement du vélo et je m’acharne sur mon pneu arrière avec les démontes-pneu. Puisqu’il est neuf, il est vraiment difficile à enlever. Les mains gelées, je force comme une bonne, puis ma main glisse et je m’arrache la peau sur le dessus des doigts. La roue sale et pleine de sang, je commence à m’énerver. Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas parlé à Nancy, Fannie, Marie-Lou, Massi ou ma famille. Je m’ennuie et je me demande ce que je fais ici. Loin d’eux. Avec cette merde de tire que je vais lancer au bout de mes bras. Puis, je finis par changer mon flat avec les larmes qui coulent et à repartir. C’est le noir total. Nous ne voyons pas les sentiers.

Cinq cyclistes arrivent avec leur lampe aveuglante et nous guident jusqu’au camping pour un sommeil bien mériter.