22
au 26 janvier 2004
Vendredi
22 janvier 2004
Le lendemain
nous avons rendez-vous chez Factor X et dans la soirée au CITTAC
(Voir l’article pour le nom complet hihi) . Nous roulons à
travers Tijuana en tâchant de rester vivant. Malgré un
trafic intense, travaillant à éviter les taxis collectifs,
les autobus et les autos, on roule bien calmé par l’assurance
que nous donne notre adrénaline. On roule pendant 45 minutes
jusqu’à la maison des femmes Factor X. Carmen Valadez nous
accueille. L’endroit est assez grand et merveilleusement bien
organisé pour moi qui vis sous le signe du chaos. Carmen nous
fait faire le tour, nous présente tout le monde et nous jase
de ce qu’ils font. Le centre est vraiment une belle ressource
pour les femmes qui travaillent dans la maquila et les autres. En voyant
toutes ces femmes travaillées et s’organisées dans
un effort de solidarité pour les autres femmes, j’ai senti
monter un petit sourire d’orgueil d’être une femme.
Tout de suite notre incroyable après-midi, nous allions rencontrer
un certain Jaime du Cittac. En vélo, on se rend au local de l’Armée
Zapatiste de Libération Nationale (EZLN), qui aussi le local
du Cittac. L’endroit ressemble à un garage, mais il est
recouvert de banderoles, de slogans et de peintures, poétiques
et artistiques. Je sens une intensité qui vibre dans ce local.
Les gens du Cittac vendent des livres, des chandails et des écussons
du EZLN pour se financer. Nous parlons avec Joel, un travailleur de
la maquila. Pendant que Jaime discute avec une promotrice de Factor
X que l’on avait déjà rencontré là-bas.
Puis, nous commençons à jaser avec Jaime qui fait de l’assistance
légale au Cittac. Le gars est super intéressant. Il nous
raconte son histoire personnelle comme travailleur de la maquila et
nous fait vivre la naissance du Cittac, un centre d’information
pour travailleuses et travailleurs. Quelques heures passent et la passionnante
entrevue se termine. Nous sommes tous deux émus et fébriles
de notre journée assez intense. Nous retournons dormir en roulant
dans le noir des rues de Tijuana, totalement euphoriques comme drogués
par notre vie hallucinante.
Samedi 23 janvier 2004
Vous
souffrez d’hémorroïdes, Tijuana a ses spécialistes!
Marchant
main dans la main dans les rues de Tijuana, nous lisons les affiches
et apprenons pleins de nouveaux mots en espagnol. Especialista en tratamiento
de hemoroïdes y absesos anales! (spécialiste dans le traitement
des hémorroïdes et des abcès annales). S’ouvre
ici une fenêtre sur la culture mexicaine, c’est-à-dire
les soins propres à l’anus. Je pense maintenant aux types
viriles qui aiment mangé bien piquant. Personne ne parle des
effets postérieurs à la consommation de chile jalapeno
et des trente autres variétés de chile. Hé oui!
Je parle du piquant à la sortie. L’abcès annal,
une maladie qui empêche de jouir pleinement de la vie. Ceci nous
servira d’avertissement durant notre traverser du Mexique.
Vers midi
nous avions un rendez-vous avec des gens du Cittac et Factor X pour
une marche contre la privatisation de la collecte des déchets.
Privatisation, le seul mot que connaissent les politiciens de notre
époque, la solution a tous les maux. Ici, les conséquences
sont évidentes : dégradation des conditions de travail
pour les collecteurs et dans les quartiers pauvres, les gens n’ont
pas les moyens de payer pour la collecte et les déchets s’accumulent
ce qui mène à la pollution et des maladies. La marche
n’a pas eu lieu faute de gens. J’ai quand même eu
le loisir de faire peur à quelques mexicains en passant des tracks
dans les autos arrêtées aux feux de circulation. J’ai
enfin pu m’extasier à harceler des gens comme les vendeurs
ambulants s’amusent à le faire quand tu es un blanc.
Dimanche 24 janvier 2004
Asphyxie dans un trou de bouette
On part
de Tijuana assez de bonne heure pour aller rejoindre la route payante.
En montant une côte dans le trafic, votre héroïne
préférée commence à avoir de la misère
à respirer. Il fait chaud, le bike pèse lourd à
monter et un autobus à la fumée noire m’empeste.
On s’arrête au feu de circulation et je sens du feu qui
brûle mes poumons. Puis, Francis m’a dit que je suis tombée.
J’avais les yeux grands ouverts et c’est au moment où
j’ai commencé à avoir des convulsions qu’il
a réalisé que j’avais perdu conscience. Moi, j’étais
dans un endroit doux et merveilleux avec mes amis lorsque j’ai
entendu sa voix de très loin qui m’appelait. Je me suis
éveillée dans un trou de bouette en plein milieu de la
rue. Qui aurait cru que je souffrirais autant de la pollution de l’air.
Conclusion : évitez le plus possible les grands centres urbains
où il y a des montagnes.
Nous avons continué notre chemin plus tranquillement jusqu’aux
postes de payement pour l’autoroute. On nous dit que nous ne pouvons
pas passer. Puis, les gars du poste, fort sympathiques, nous disent
le truc pour contourner la zone et ainsi, facilement frauder le système
pour utiliser la route. La vue est contrastante avec les États-Unis.
Bien sûr il y a dans quartier avec garde privé mais, il
y a aussi des maisons de fortunes faites avec des boutes colmatés.
Dans ma tête, reste bien présent le soleil couchant qui
donne aux choses une couleur tellement riche, qui te fait vivre ces
minutes comme si elles étaient les dernières avant la
toute noirceur. Je vois cette montagne couverte d’agaves en fleurs,
de ce jaune surmontant la tige florale et de ce vert tendre. Je vois
cette carcasse d’auto couleur rouille au milieu de ces herbes
longues et séchées. Nous contournons la montagne et s’étend
une vallée où résonne de la musique provenant du
village de la Mision.
Assez insécures face à notre premier camping sur la route
au Mexique, nous trouvons un endroit caché, près une rivière
très basse. Des chevaux courent librement et des oiseaux limicoles
s’occupent de leur famille en pêchant dans l’eau.
La nuit est encore frette. Mémoire du gars en bicycle qui passe
au petit matin avec son foulard de bandit et son côte d’hiver
et nous répète successivement la même chose à
Francis et à moi : Buenos Dias. Hace frio hé!
26
janvier 2004
Ensenada : Victor Hugo et Damaris
Début
de journée par une montée assez gentille où d’un
côté nous frôlons la falaise couverte de cactus en
étoile blanche et de l’autre tombe l’escarpement
vers la vallée. On se croirait dans le farw est avec les ranchs,
les pancartes criblées de trous de balle et les champs d’herbes
sèches. On arrive assez tôt à Ensenada et l’on
essaie de rejoindre le cousin de Francis qui est pêcheur de requin
et habite la ville. On dîne dans ce resto de comida corrida datant
des années 20 avec un plafond très haut et des plats délicieux
et bon marché. Le temps passe et le rythme de nos appels augmente.
Nous passons des heures et des heures devant ce café à
se droguer à la caféine et à lire le dictionnaire
espagnol. Il est 8h30 lorsque que nous rencontrons Victor Hugo qui est
tout de suite intéressé par nos vélos. En voyant
notre situation, il nous propose de venir chez lui ou d’aller
chez son ami qui a un terrain pour que nous campions. Cet homme a l’étrange
capacité de parler sans exprimer la moindre émotion et
cette caractéristique nous fait bien douter de ses réelles
intentions. Toutefois, il nous dit que si on rejoint pas le cousin,
de l’appeler et qu’il viendra nous chercher avec son camion.
Vers 10h30 on se tanne d’attendre et on appelle Victor. Sa maison
est superbe, décorée avec une chute artificielle que Victor
a bâti. Il installe des portes de garages automatiques dans les
maisons riches. Lui et sa femme Damaris sont quand même bien nantis
avec les cinq vélos, le kayak, les deux chars et la maison assez
luxueuse. Victor nous montre les photos de la Baja 1000 qu’il
a réalisé en vélo de montagne avec son ami et une
aide en véhicule de soutien. La Baja 1000 est une course offroad,
avec des traversés de désert, qui est incroyablement populaire
dans la Baja et aux États-Unis. Damaris nous prépare à
manger, et s’excuse pour le désordre de la maison. Elle
nous explique : « voici la maison d’une femme qui travaille
à l’extérieur de la maison 9 heures par jour ».
Elle semble mal à l’aise de dire que quelqu’un vient
l’aider à faire le ménage. Les rôles dans
la maison semblent assez bien défini! Puis, on parle des américains
et de la guerre. L’antiaméricanisme est assez substantiel.
On parle aussi des américaines qui viennent ici durant le spring
break pour montrer leurs boules, se saouler pour pas cher et se dévergonder
loin de la morale de leur patelin. Victor Hugo me dit que les blanches
ont l’image de « fille facile » ici. Discussion très
intéressante, surtout d’apprendre ce qu’ils pensent.
Puis, on va se coucher et Francis et moi feront des rotations aux chiottes
pendant la nuit pour évacuer notre trop flottant, probablement
la comida corrida.