Accueil --> Français --> Journal de bord

 

11 au 15 avril 2004

11 avril 2004
I will survive

Départ dans le noir à 6am selon les règles du El Faro et sur la toune I will survive, nous roulons dans la mauvaise direction jusqu’à ce que nous rencontrions un banc pour manger un ananas. Le soleil se lève dans le matin brumeux. Casey repère un cocotier et va nous chercher 6 cocos frais qu’on le mange sur le bord de la route. J’en dévore la bonne chair gluante. Vers 11h30, on s’arrête sous un abri d’autobus et l’on remarque deux gars en train de moudre du grain en tournant une manivelle sous un affreux beat dance. On s’approche bien curieux et ils nous invitent à passer la siesta chez eux. On mout les graines de maïs avec le hachoir manuel et je confectionne des tortillas à la main en compagnie de la jeune mariée qui sans parler beaucoup, m’indique quand tourner ces épaisses galettes sur la plaque brûlante. On évide les gousses de tamarinier pour faire une agua fresca sûre et sucrée. Les hommes de la maison nous montrent leur atelier d’ébénisterie où ils font de belles tables, des armoires, des chaises… Casey le vil, s’accapare du hamac…mais se réveille pour nous faire un joyeux récital de guitare et me montre d’autres trucs pendant que Francis jase avec les gars de la maison.

Nous continuons la route à une vitesse d’enfer. Casey a maintenant un casque de vélo offert par nos hôtes de la siesta qu’il va transformer en canard avec une palette de casquette et du duct tape. En fin de journée, nous prenons la bretelle pour Ixtapa, une ville bâtie pour le tourisme, véritable royaume club medien. On fait les derniers kilomètres de quelques 95 assez fatigués et en poussant à fond pour finir la journée en descendant un étroit couloir qui nous mène jusqu’à la plage, où on se précipite dans les vagues. Nous mangeons en silence et nous allons dormir bien fatigués.


12 avril 2004
Pleurs sous le grand acacia

Ici, la journée où j’ai commencé à sérieusement questionner le voyage. Sous un grand acacia, j’ai pleuré pendant des heures à me demander ce que je faisais là, à pédaler pour me rendre nulle part. À me demander si ça me rend heureuse ce que je fais. Pourquoi je ne retourne pas à Montréal. Lorsque je pense à Montréal, ma vie est vide. Je n’ai pas de projet, pas de plan. Je n’ai pas le goût de retourner à l’école tout de suite. Mes amis me manquent. J’ai l’impression que je ne fais que pédaler. J’ai envie de vraiment vivre avec des gens pour un temps. Puis, je ne sais pas. Il n’y a rien qui m’empêche d’arrêter et de rentrer à la maison. Hum!? Je n’ai pas de maison. Hum! À Montréal alors! Je me trouverai un petit travail et je prendrai des cours de guitare.

Francis me console. Il n’a pas envie d’arrêter de rouler, mais il ne veut pas non plus continuer sans moi. Je serais aussi très triste si nos vies se séparaient, lui au sud et moi au nord. Nous voulons être ensemble. On se prend dans nos bras. On revient vers la couverture où Casey étendu à l’ombre, s’imaginait qu’il était peut-être de trop. Bien sûr que non. Nous discutons un peu de comment le voyage nous fait voir autre chose. En buvant un cacao, il nous parle de ses questionnements incessants sur son retour à Montréal. Je sèche mes larmes, le cœur encore un peu lourd, mais soulagé par un amour solide, sincère et réciproque. J’aurai à penser si je continue ou si je rentre.


13 avril 2004
L’incroyable vie d’un Bernard L’hermite

Nous roulons très peu. On s’arrête à Las Barritas, sur le bord de la plage où on relaxe dans des hamacs. Je lis, Francis aussi. On joue de la guitare. Je vais prendre une marche seule sur la plage. Je reste à penser à ce qui me déplaît ou ce qui est devenu lourd dans notre voyage. Savoir si ma passion s’est tout à fait évanouie pour cette aventure que j’ai passé des années à attendre. Accroupie à observer les crabes sortir de leur trou, je me sens libre. J’ai le choix de rester dans le voyage ou de revenir.

Toute la nuit, les Bernards L’hermite traceront des esquisses dans le sable, à chasser je ne sais quoi. Trainant leur coquille, ils tournent en rond pour cheminer dans des directions qui ne sont connus que d’eux-mêmes. À l’aube, alors qu’ils s’enfouissent dans un trou, l’humain découvre le sable couvert de patrons apparus par magie.


14 avril 2004
Les nouveaux-zélandais

On reprend la route. Francis se sentait un peu bizarre et il connut ce que l’on nomme « weird crap » dans certain milieu. OK. On ne roule pas comme des fous. En fin de journée, nous voyons un tandem avec remorque venir dans l’autre direction. D’où venez-vous? D’Argentine, que la demoiselle nous répond. Venant de la Nouvelle-Zélande, ils ont fait de Buenos Aires, en évitant la Colombie par un vol de Quito à Panama City. Ils l’ont fait en 5 mois, roulant du 100 km en série de 9 jours et dormant la dixième journée. Ils comptent arriver pour prendre leur vol à Ancorage, Alaska dans trois mois, c’est-à-dire à plus de 12 000 Km. Ils ont été subventionnés et comptent ramasser des fonds pour la protection des animaux en danger. C’est une totale dévotion à leur cause! Je leur ai demandé s’ils n’étaient pas tannés parfois de rouler ainsi. Ils m’ont répondu qu’ils n’avaient pas vraiment le choix à cause de leurs commandites. Ils nous quitté en regardant leur montre.

Ils m’ont fait beaucoup réfléchir sur notre voyage. Cette paire n’a pas pu connaître et disfrutar (savourer) les pays qu’ils ont traversé, ni les cultures qu’ils ont côtoyé. J’aime faire du bicycle ça tout le monde le sait mais, ce n’est pas ma raison de voyager. Le moyen mais pas la fin. Donc, si je continue, je veux que l’on s’arrête et que l’on fasse quelques choses comme du bénévolat ou autre chose pour passer plus de temps avec les gens. C’est ce qui me manque maintenant. Je me fous de me rendre au bout du continent. Je veux rencontrer d’autres organisations et passer plus de temps avec eux. J’ai encore envie d’aller dans Oaxaca et au Chiapas, puis en Amérique centrale et du sud. Nous finissons la journée sous une plantation de cocotier à manger du spag et de la salade de chou.


15 avril 2004
Les Allemands

Après le petit déjeuner, nous rencontrons un couple d’allemands qui sont partis de Vancouver depuis plus de 11 mois. Ils sont partis pour faire un tour du monde. Ils prennent vraiment leur temps pour profiter de ce qu’ils découvrent. Il s venaient de s’arrêter pendant 5 semaines. Francis avait commencé avec une diarrhée virulente. Après avoir fait 15 km, nous arrêtons avec Markus et Mila dans un café internet. La caravane est très imposante et un policier nous aide à se faufiler dans le marché, jusqu’à un restaurant bien écono.

Le couple nous parle de leurs aventures aux États-Unis. Ils ont plus de trente ans mais, je ne pourrais dire leur âge. Nous, on leur raconte nos histoires de frette et ils nous demandent pourquoi nous sommes partis à cette période de l’année. Pas le choix No money, no honey!! J’aime vraiment leur vision des choses. Ils ont passé plus de sept ans à planifier le voyage et n’ont pas de date limite. Ils se sentent libre à chaque minute. Markus disait qu’ils peuvent passer des jours à faire des plans pour quelques choses et le lendemain au réveil, ils font tout à fait autre chose. S’ils veulent, ils resteront à vivre au Mexique ou ils continueront. Nous n’avons pas la même latitude dans notre façon de voyager Francis et moi. Les Allemands m’ont aussi appris à voir ce que nous faisons de manière différente. Les contractions intestinales de Francis sont l’élément décisif dans le choix d’un hôtel bas prix, comprenant toilette avec flush.