26
au 30 juin 2004
Beauté
magistrale
du sexisme bleu-gris
26 juin 2004
Nous escaladons la montagne à coup de pédales vociférantes.
Je continue ma réflexion sur ce que je peux faire pour créer
un nouveau monde de solidarité dans mon coin de pays. Coop de
logement, bouffe communautaire, groupes de discussion. Comment faire
pour que d’autres gens aussi aient envie de vivre dans une communauté
où les gens ressentent des responsabilités envers leurs
voisins et un besoin de rapprochement… J’ai plein de temps
pour penser pendant que je force fort sur mes pédales et que
je regarde les petites plantes. Le paysage est d’une beauté
magistrale. Nous arrêtons bouffer dans un petit resto à
25 pesos tout inclus, notre première folie depuis notre virage
ambulatoire, restriction budgétaire. Le gars de resto ne parle
qu’à Francis. Après le repas, ils s’assoient
entre hommes et parlent ensemble. Moi je reste seule avec mon ombre.
J’haïs tellement quand on m’ignore comme ça.
Et c’est assez souvent ainsi. Si je voyageais seule ou avec une
autre fille, ce genre d’attitude ne se produirait pas mais on
se ferait cruizer tout le temps. Puisque je voyage avec un homme, c’est
lui l’autorité. Ma parole n’a pas beaucoup de valeur.
Qu’est-ce que ça connaît une fille, hein? Ce n’est
pas tout le monde ici qui est comme ça non plus mais, il y en
a beaucoup trop à mon goût. Je peux me dire que ce n’est
pas grave, que je vais parler aux femmes. Mais les femmes elles sont
occupées à travailler. Faque y reste moé pis mon
ombre. Pis aussi le gars saoul couché l’autre bord d’la
rue. En tout cas, je pense à pleins de moments et à pleins
d’attitudes envers les femmes que je vois au long du chemin et
ça me fait mal au cœur. Marie-Lou qui fait sa maîtrise
au Vietnam, raconte aussi des anecdotes sur la situation des femmes
là-bas. Les conditions changent mais l’aliénation
reste. Je pense donc à ça en regardant le gars saoul dormir
à l’ombre, le chapeau sur les yeux.
On continue notre chemin, en voyant de nombreux champs de maguey à
la teinte bleu-gris. Des monticules rocheux et des falaises escarpées
où des arbres creusent leurs racines dans le rock, nourrissent
notre regard. Une rivière coule dans la vallée et des
rapaces poussent leurs cris en lovant dans le ciel. Nous arrivons à
Camaron où nous faisons un peu d’internet en fin de journée
et l’on décide ensemble que l’on restera à
dormir à l’hôtel de la ville.
La fraîcheur des pins
27 juin 2004
Après avoir pratiqué l’internet pour une période
circonscrite d’une demi-heure, Johanne Pelletier et Francis Isaac
Murchison reçoivent un don en eau potable d’une quantité
évaluée à 10,5 litres. Le donateur, un homme de
5 pi 7 po aux cheveux poivre et sel, originaire du Mexique est propriétaire
du dépanneur et centre d’internet de la ville de Camaron,
État de Oaxaca. Les deux cyclistes reviennent sur leur pas de
50 m pour ingérer une torta composée de deux tranches
de jambon et de 20 grammes de fromage. Ils prennent la route vers 14h32,
heure du centre. Ils parcourent une distance de 14 km sur une route
de campagne dont l’angle d’inclinaison varie entre 6% et
14%. Ils performent une série de huit pauses d’une durée
approximative de 4 minutes 25 secondes pendant lesquelles ils ingurgitent
un total de 3,8 litres d’eau, 15 g. de noix et d’abricots
séchés. Ils urinent pour un total de 1,6 litres. Leur
parcours se termine au sommet de la montée. Il est possible de
constater que le terrain offre une surface plane dont la végétation
se compose principalement de Pinus, de Quercus, de graminées,
de poacées, de brassicacées ainsi que des espèces
dominantes dont l’identification n’a pu être effectuée
sur le terrain. Le vent est de 30 km par heure et le ciel est partiellement
nuageux avec des éclaircissements en fin de soirée. La
femme de 5pi 2po et l’homme de 5pi 10po ont érigé
leur campement pour la nuit et ont consommé quelques onces de
Mezcal à 1,33m d’un feu de bois. D’après ce
qu’il a été possible de conclure des résultats
sur les tests qualitatifs, les deux individus étaient heureux.
Flojera vers le bas de la côte
28 juin 2004
Nous commençons la journée avec une belle côte.
Nous arrêtons dans un village et une famille nous donne de l’eau
potable pour continuer le chemin. La journée est belle mais je
ne suis pas de super humeur, je suis très facile à contrarier
pour je ne sais quoi. Ça arrive des fois. L’on passe une
rivière et des hommes qui refont la route. Nous mangeons des
quesadillas au thon sur l’accotement. Le monde passe et nous klaxonne,
pendant que des chenilles tombent dans notre quesadilla. On s’arrête
au prochain village pour un rafraîchissement et acheter de la
bouffe, croisant le royaume de l’âne libre. En effet, une
bonne dizaine d’ânes courent et jouent sur la route, bloquant
des voitures et criant de façon drôle. Nous roulons vite,
enfin après notre rythme de tortue des derniers jours. Avalant
des kilos de mouches noires nous arrêtons finalement se faire
agresser par ces bestioles. Nous demandons à un agriculteur labourant
son champ si nous pouvons camper sur son terrain. Il accepte mais il
nous propose de s’installer plus loin de la route pour notre sécurité.
Que les gens sont gentils! Je prépare un sauté de légumes
au mole (sauce traditionnelle faite avec du chocolat, des amandes et
plus de 50 variétés de chile). Les mouches noires rentrent
dans notre nez, nos yeux et toutes ouvertures des manches ou de bas.
Après le couché du soleil, il n’y a plus une seule
mouche et nous relaxons en mangeant et buvant du mezcal.
Atole bouche-boyau en route vers Tehuantepec
29-30 juin 2004
Francis prépare à déjeuner et concocte un atole
au lait brûlé très épais. L’on pédale
sur le terrain des plus plat et moi j’ai mal au cœur. Après
un certain moment, je n’en peux plus. On arrête pour un
café qui réussit à me déboucher la boule
d’atole qui me bloquait les tripes. Nous arrêtons à
Tehuantepec où on fait du lavage, l’épicerie et
des petites choses comme ça. On reste deux nuits dans ce petit
hôtel pas cher du tout. Il fait tellement chaud que l’on
sut de tous les plis. L’internet est exécrable à
cause que nous ne sommes pas dans endroit touristique. Non pas que les
mexicains n’utilisent pas internet, plutôt que c’est
« moins important que de servir convenablement cette demande solvable
et exigeante que sont les touristes ». Dans le tiers monde, n’envoit-on
pas le meilleur café, les plus beaux fruits et légumes
à l’étranger où l’argent se trouve?
Les produits de qualité sont exportés et ce qui reste
sur les marchés locaux c’est ce qui ne trouve pas d’acheteur
à l’étranger. Le touriste par contre, c’est
l’argent qui vient visiter, il faut le servir et satisfaire ses
envies sophistiquées pour qu’il allonge le billet.
Dans cette ville non-touristique, nous nous sentions vraiment à
notre aise. Dans le marché public, il y avait beaucoup de femmes
vêtues de manière traditionnelle avec le huipil, une blouse
brodée traditionnelle, pleine de couleurs et vraie œuvre
d’art. Il y en a aussi de plus simple mais, il reste que les femmes
sont très belles dans leur vêtement. Le contraste est assez
fort entre les habits serrés presque vulgaires de plusieurs mexicaines
et ces femmes en habits traditionnels. Chez ces dernières, la
beauté n’est pas charnelle mais plutôt charismatique
et harmonieuse.