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1er au 5 juillet 2004


Fête du Canada
1er juillet 2004

Cette journée a été remplie des imprévus les plus inattendus. En regardant la carte, j’avais bien vu que la route qui venait était assez plate, et donc, dans ma tête, la possibilité de faire plus de 100 km était pratiquement un fait accompli. À cause de la chaleur torride, nous voulons vraiment partir au plus vite. La vie fait en sorte qu’on part plus tard que prévu. Sur la route, nous sommes en feu. Le rythme est formidable pour les quinze premiers km. Puis le vent se lève dans ce paysage plat et vide. Il souffle tellement fort qu’il nous pousse hors de la route. Pendant une section, on prend la tête chacun notre tour, permettant au coureur derrière de donner moins d’efforts. L’angle du vent ne nous permet plus de garder ce type de formation après dîner. On passe de superbes marais sans un oiseau, sans une mouche tellement que le vent emporte tout. Nous roulons à petite vitesse à cause des bourrasques de vents qui nous font perdre contrôle. On voit bientôt des éoliennes qui tournent. Après avoir passé un jeune singe stupide bloquant le passage en faisant aller ses bras et disant fucking your mother en riant avec son ami, nous arrivons à un vrai blocus. Des kilomètres et des kilomètres de camions de livraison, des doubles remorques, des voitures, des autobus sont arrêtés complètement, attendant de pouvoir passer. Nous passons des kilomètres et des kilomètres de Buenas tardes, saluant tout le monde en passant entre les camions de fromage et de bières avec nos vélos. Arrivé au cœur de ce bordel, des gens nous accueillent à grands cris de joie et de rire, eux aussi se promènent en vélo. J’ai pris quelques photos. Ils n’ont jamais voulu nous dire pourquoi ils bloquaient la route fédérale. Nous sommes partis, sur encore des kilomètres de véhicules stationnés, croisant un bus de touristes dont les gens faisaient des danses en ligne sur des succès latins, histoire de passer le temps. Quelle bête étrange que le touriste! Nous poursuivons la route. Il pleut. Cette bonne douche lave notre couche de crasse. Nous finissons cette journée dans un champ de baseball avec des chevaux courrant partout autour de notre tente. On est ben content de la vie. Ouais, ben content!


Aidez-moi, je suis en chaleur
2 juillet 2004

Nous roulons sur cette route de mirages. Sous les vapeurs vibrantes de l’asphalte, nous avançons dans le zénith en quête d’une ombre salvatrice. Là-bas dans la prairie, des ombres aguichantes sous les arbres près du ruisseau crient notre nom. Trop loin, trop dur d’accès, trop d’efforts rendent les ombrages fleuris inatteignables. Enfin, après trois heures de cuisson, nous trouvons l’accès à une rivière. Sous le pont, nous jouissons tout nu, étendus dans les petits rapides de la rivière à faire baisser notre température. Vers quatre heures, nous quittons l’ombre et le soleil frappe comme une claque dan’face. En deux minutes, nous perdons en sueur un litre d’eau sous forme de gouttes géantes. Nous continuons jusqu’à un resto-hôtel de passe pour truckers afin de boire une limonade. La femme maganée, vêtue de vêtement classique et peinte au rouge-à-lèvre rose-mauve Madonna années quatre-vingt, parle à la radio émettrice avec les camionneurs qui passent. Dans la vitrine, des boîtes de vitamines de toutes sortes nous rappelle l’exemple de la vente pyramidale que nous racontait l’oncle à Francis. Admirant les bouquets de fleurs de plastique sur les tables et les sacs d’eau suspendus du plafond, Francis et moi s’imaginons des scénarios sur ce qui se passent ici. On retourne à la chaleur effrayante pour arriver à Tapanatepec, ville frontière entre Oaxaca et Chiapas. On fait toutes les quincailleries de la ville pour trouver du gaz blanc pour notre réchaud, sans succès. Puis, nous débutons une montée qui devait être affreuse. Après cinq kilomètres, je me meurs d’épuisement. On se trouve un site de camping en urgence et Francis monte la tente et me prépare à manger un mole aux peanuts pendant que je fais la planche, incapable de bouger.


La foire du ventilateur
3-4 juillet 2004

Petite fille supporte pas bien la chaleur. Nous avons fait marche arrière vers la ville de Tapanatepec. Pas moyen d’aller plus loin. Je suis couchée sans bouger, avec mon corps qui me semble si lourd. Je sais que je dois boire mais, ça m’est très difficile. Je suis allongée et je lis sous le ventilateur dans la chambre d’hôtel. Je prends quatre douches par jour à l’eau froide et je ne fais rien d’autres. Après que la pluie soit tombée, je peux enfin sortir à cause de l’air frais. Le magasin de popsicle ou paletas n’arrive pas à fournir la demande dans la ville. Le père de la fille de l’hôtel passe ses journées à se balancer dans le hamac. Je me régénère peu à peu mais pas très vite. Je passe ma longue vie de ces deux jours à ne rien faire, épuisée par le soleil et la déshydratation. Francis s’occupe de moi. Il fait la bouffe, va à l’épicerie et me fait rire. Je passe la nuit du 4 juillet avec un mal de cœur qui n’a probablement rien à voir avec la Fête nationale des américains. On part le 5 juillet au matin, faisant semblant que je suis mieux principalement parce que je ne veux pas mourir dans ce trou perdu du Tapanatepec.


Pulsions meurtrières envers le mécano de Oaxaca
5 juillet 2004

Nous partons vers 8h. On fait gonfler nos pneus par le garagiste. Francis dit au gars de mettre plus d’air dans son pneu arrière. En avançant, il se rend compte qu’une section de sa jante est un peu bombée vers l’extérieur. On conclut de laisser son frein détaché pour que l’on puisse faire quelques kilomètres avant le dîner. Le ciel est couvert ce qui me donne la chance de rouler sans trop m’épuiser avec la chaleur. On nous avait dit 23 km de montée qui s’avère du monte-descend. Nous ne portons pas nos casques pour se garder la tête fraîche pendant la montée. Tout à coup, un bruit d’explosion se fait entendre. Pow! La jante de Francis vient d’exploser! Le métal a littéralement déchiré sous la pression d’air et le poids du vélo. Le pneu reste intact et on le sort délicatement pour le sauver. On est donc au milieu des montagnes avec la roue brisée et on attend pour faire du pouce. Un camion arrête pour nous amener dans la prochaine ville. Dans la boîte de pick-up, on jase un peu. Normalement, avec trop de pression, ce serait le pneu qui éclaterait. C’est que le pneu de Francis avait reçu un coup, aux Etats-Unis je pense, qui avait légèrement renfoncé la jante à l’intérieur. C’est le mécano de Oaxaca qui avait proposé à Francis de redresser la jante disant que ça ne changerait pas sa force. Quelques jours après avoir quitté Oaxaca, la jante explose. Les bip-bip de bip du bip de mécano. Ils nous ont bien fourré avec leur vaniteuse expérience de vélo de montagnes, riant hautement de nos bikes de cyclotourisme. Les coureurs de vitesse n’en savent pas non plus sur le vélo de voyage longues distances. En tout cas, à cause de ce moron, nous voilà encore une fois pris à arrêter notre périple de vélo pour un bris mécanique.

À la station service de la ville, nous attendons en faisant du pouce et en demandant un lift jusqu’à Tuxtla aux gens qui viennent faire le plein, seule place possible où l’on pourra trouver un bon rim. Un camion s’arrête après quelques heures d’attente et d’énervement franciscain. Ce sont les Daniel Moreno père et fils qui s’occupent de la vente de jouet pour enfants qui nous apportent leur aide. Empilés sur des boîtes de tricycles, des parcs et autres jouets ainsi que nos vélos et sacs, nous passons quelques heures dans ce cauchemar pour claustrophobes. Ils auraient pu nous kidnapper et nous amener en forêt dans n’importe quel lieu, dans le noir de la boîte du camion, recouverte en entier par des barges, nous n’aurions jamais su. Finalement, non. Ils nous invitent chez eux et avec Daniel fils et deux amis, nous partons en ville à la recherche d’un rim. Après plusieurs boutiques où il ne s’y trouve que d’la marde, l’on apprend d’un mécanicien qu’il y a un moyen de commander ce genre de pièce chez un distributeur de cartouches d’encres pour imprimante. On tente de contacter le gars qui selon les dire de sa secrétaire, sera toujours de retour dans une heure et demi. En entendant que les multiples « heure et demi » passent, les trois amis, Daniel, Beto et Leonardo nous amènent au super marché acheter de la bouffe et de la bière. Arrivés chez Beto, ils nous préparent des tortas et nous offrent de la bière. On passe une belle soirée à jaser de la situation du Mexique sur la musique de Radiohead et Café Tacuba. On va finalement dormir dans leur van, passant plusieurs heures de chasse aux
moustiques avant de voir que les fenêtres étaient ouvertes. Beaux épais, ouais!