5
au 7 août 2004
Une fin, un début et le vertige
5-6 août 2004
Pas besoin de dire que nous nous levons fatigués et irritables.
Le ranchero et son épouse viennent nous parler tôt le matin.
Nous prenons la route et moi je ne peux rien avaler avec des nausées
qui vont et viennent depuis San Cristobal. Nous passons le pont Quita
Calzon ou enlève bobette, nom donné en l’honneur
de Rita Gonzales, une exhibitionniste souffrant de calvitie bien connue
dans les Cantinas du sud du Mexique. Je fais 10 km le ventre vide sur
une route plate, pensant à rien, …enfin je crois?! Nous
arrivons à un petit village et arrêtons manger nos derniers
huevos rancheros du Mexique. Nous devons passer la frontière
aujourd’hui, car notre visa pour le Mexique s’expire en
cette même date. Ciudad Cuautemoc qui est à 4km plus loin
que sur la carte, est une ville pratiquement inexistante. J’avais
décidé de ne pas payer la carte de touriste (20$US) parce
que ça ne me tentait pas.
Alors,
j’ai jeté ma carte de touriste. Nous arrivons à
Ciudad Cuautemoc où un chauffeur de taxi nous dit que nous devons
passer au Bureau de Migration mexicain. Il n’y a aucune indication,
aucun panneau, aucune barrière à traverser. On continue.
Nous montons sur plus de 4km. Francis a des crampes et on doit s’arrêter.
On conclut que nous devons nous arrêter à La Mesilla. Nous
voyons des véhicules de la « migra », la police qui
tente de contrôler l’immigration illégale vers les
Etats-Unis, le fourgon est rempli de gens qu’on ramène
au Guatemala. Le chemin est interminable. Après avoir demandé
à des paysans dans leur champ de maïs si nous étions
sur la bonne route pour le Guatemala, nous arrivons enfin à un
chaos qui marque notre entrée en Amérique centrale. Des
gens petits et colorés habillés de traditionnel à
moderne, des trucs à vendre de toutes les formes et couleurs,
des bus éclatants et surchargés, du bruit, des couleurs,
de la vie…
Nous
allons payer notre visa d’entrée de 30 pesos. On change
nos pesos pour des quetzales (unité monétaire et oiseau
emblème). Nous montons la côte très à pic
dans ce brouhaha de gens et de trafic. Nous voulons quitter la ville,
mais un homme nous prévient d’une longue montée.
On fait des va-et-vient dans la grande côte de La Mesilla à
la recherche d’un hôtel sous le regard des gens qui nous
voient comme des gringos bien suants. L’un est trop cher, l’autre
est plein, l’autre donne envie de gerber. Le soleil tape et je
suis à bout.
Nous finissons dans un hôtel trop cher, mais qui revient à
un prix raisonnable en argent canadien (20$). La chambre est équipée
d’une télévision satellite, nous qui n’avons
pas écouté la télé depuis…la ville
de México. Je ne me sens pas très bien. Le vacarme et
la fatigue font en sorte que l’environnement me semble hostile.
On nous traite de gringos avec une certaine agressivité, les
travailleurs de l’hôtel sont très inhospitaliers
et je me sens sensible à ça. Je me demande ce que je fais
ici, loin de la maison et des gens que j’aime. Je me sens petite
et vulnérable. J’ai besoin de dormir, mais ça n’arrive
pas.
Puis,
on convient de notre besoin de faire une pause pour se régénérer
le corps et l’esprit. Nous passerons le jour du 6 à rien
faire et écouter des films drôles et touchants. Ça
nous fait déconnecter de nous-même ça nous amène
dans un non-lieu qui fait du bien.
Marimba dans le tapis!
7 août 2004
Aujourd’hui,
on sort de notre hôtel de luxe après des heures intensives
de télévision. Après ce merveilleux repos du corps
et de la pensée, on ouvre la porte de notre ghetto et on se retrouve
dans la folie de la Mesilla, ville frontière guatémaltèque.
La rue que nous avons traversée est tout simplement bondée
de gens; des vendeurs de sous-vêtements, de biscuits, de kits
casseroles et de tomates mauves. Nous marchons dans cette foule jusqu’au
comedor Andrea. On se sent dépaysé, hors de notre familiarité
mexicaine. Tout me semble différent : les traits, l’approche
des gens, la nourriture, l’atmosphère et la valeur de l’argent.
Je déjeune d’un caldo de gallina et Francis d’un
poulet frit dans l’huile. Tous les deux rions bien de la pitoune
en costume de bain sur le poster de bière.
J’ai
les yeux ouverts pour absorber le nouveau. Les gens sont vraiment souriants
et amicaux. Ils sont aussi bien curieux et j’ai souvent l’impression
qu’on me fixe. On regarde à l’extérieur du
resto, il y a la taqueria Tacontento (Taco-esta-contento). Quel jeu
de mots merveilleux! On retourne à l’hôtel en sonnant
la clochette pour qu’on ouvre la porte barricadée. Nous
voulons patauger dans notre vice télévisé avant
de partir. Notre réchaud nous place des bâtons dans les
roues. Malheur! Il ne fonctionne plus. Source de chaleur alimentaire
élémentaire. Tu dois pas nous lâcher mec!!!
Avec
les pièces de rechange on tente scrupuleusement de changer le
filtre de notre flexible machin… Après une coupe-stress-sueur
dans le dos-coupe encore-pourquoi ça marche pas bâtard-va
chercher la clé allen-pousse-pousse. On réussit à
foutre le putain de filtre dedans ouf! Ça l’air que ça
marche! On se fait un café. Écoutons un film touchant
sur Sheryl qui veut se faire avorter son bébé déformé
alors que tous la condamnent!
La
femme de notre hôtel, celle qui nous a aidé à acheter
notre fromage dans une feuille de bananier au marché, nous dit
au revoir. Nous partons en fous, esquivant les gens du marché
publique en montant la côte. Au village la Democracia, nous arrêtons
chez Tia Tila pour dîner. Un homme joyeux nous accueille. On se
deale un repas avec un Canada Sec et on se fait aller la tête
sur la musique du Marimba. Deux hommes assis à l’autre
table nous jasent en sirotant leur bière. Ils nous proposent
de payer un des deux repas. Paolo, le propriétaire du Tia Tila,
nous montre son perroquet qui parle.
Nous
finissons notre repas et dansons avant de quitter la scène. Nous
avançons entre les canyons géants, des monstres de montagnes
mais, en somme une route assez équilibrée avec montées
et descentes suivant une belle rivière. On salue les gens et
ils sont très réceptifs. Les jeunes enfants s’excitent
ou s’effrayent, les femmes nous disent des adios avec des sourires
timides et les hommes s’éveillent d’un bond pour
nous saluer avec enthousiasme. Les autobus de toutes les couleurs nous
croisent en klaxonnant et en laissant derrière eux une fumée
noire. Les colectivos et les camionnettes nous passent, surchargés
de gens. Après 40km nous décidons d’arrêter
au restaurant Buvi el Buen Vivir qui borde la route en plein milieu
des montagnes. On leur demande l’hospitalité parce que
nous ne pouvons plus faire un tour de pédale de plus. Une source
qui provient des montagnes s’écoule et passe sous un petit
pont au centre du restaurant. La cascade tombe avec force dans la rivière
au creux du canyon. On s’assit pour écrire et un jeune
homme vient jaser avec nous. Il est Chol et vient d’Ocolotenango.
Il nous explique que chaque peuple du Guatemala est différent,
qu’ils ont leur langue propre, leur manière de se vêtir
et leurs coutumes. J’avais lu qu’il y a plus de vingt neuf-langues
au Guatemala à part l’espagnol. Il est un peu saoul et
je crois que ça énerve Francis.
La
nuit tombe et nous installons notre tente dans un coin du resto. La
famille est très accueillante; ils nous mettent à l’aise
et nous posent des questions sur notre aventure. Il y a un vent frais
qui souffle et le son de la cascade pour nous bercer durant notre sommeil.
Francis dort mal depuis quelques nuits et donc moi aussi; excitation
pour le nouveau, pour le voyage avec les jours qui passent et le problème
que le site ne se fait pas connaître.