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16 au 31 août 2004


Aventures chez Maya Pedal
16 août 2004

Nous quittons Chimaltenango par une route de terre qui mène jusqu’à San Andres. Mes boyaux montrent une étonnante stabilité et nous roulons à côté d’un homme sur son cheval chargé d’herbes. Rendus dans la ville, la pluie commence et nous trouvons refuge sous un toit. Une camionnette arrive et un gars pétant d’énergie sort à criant nos noms ponctués d’un héééé No lo puedo creer! (super joyeux)! C’est Mario, le seul et unique, le gestionnaire de Maya Pedal. Avec le pick-up, Cesar Molina, président de Maya Pedal, nous conduit jusqu’à sa maison pour prendre 2 gâteaux au maïs puis continue la route vers Maya Pedal . Nous arrivons à l’atelier où nous rencontrons Carlos & Edwin ainsi qu’Érica. Carlos est l’inventeur de plusieurs prototype de bici-machine. Edwin c’est son apprenti qui à 17 ans. Erica vient de Colombie-Britannique et est une bénévole pour six mois chez Maya Pedal. Dans l’atelier, il y a aussi quelques enfants du voisinage qui viennent rôder. Nous mangeons du gâteau et buvons du café en jasant de Maya Pedal et de notre aventure. L’atelier est bien organisé; assez grand avec une tonne de vélos entassés sur le toit. L’édifice a trois étages avec l’atelier et la cuisine au sous-sol, la chambre d’Érica connexe à notre chambre et le bureau au deuxième et les vélos sur le toit. Quelques heures après notre arrivée surgissent des questions sur deux autres cyclistes américaines qui seraient en route. Elles arrivent avec leur vélo pas très chargée, grandes et bâties, avec un gabarit opposé au mien. Ce sont Lucy et Amy qui sont parties du Texas avec leur ami.

Elles ont parcouru l’intérieur du croissant mexicain (le Mexique est fait un peu comme un croissant!) pour se rendre au Yucatan, Bélice et Guatemala. Elles ne parlent pas vraiment bien en espagnol ce qui nous oblige à communiquer en anglais. Je suis super excitée de rencontrer d’autres filles qui font du bike et j’ai vraiment envie de savoir comment s’est passé leur voyage. Les Maya Pedaliens nous quittent et nous restons les bénévoles ensembles.

Nous passons la soirée à parler de voyages en vélo. C’est vraiment agréable. Érica paraît timide et je me dis qu’elle se dégênera avec le temps. Pendant cette soirée, nous avons vraiment l’impression que nous allons vraiment développer une belle vie en commun, avec des gens qui partagent les mêmes intérêts que nous. En plus, j’ai vraiment l’impression que ce sera un lieu fantastique pour apprendre et pratiquer davantage la mécanique puisque Lucy est mécanicienne de vélo et Érica a quatre ans d’expérience à travailler dans un atelier de vélo.

Ma tête dans un engrenage

Le jour suivant nous commençons ce qui sera la routine pour la semaine suivante. Nous descendons des vélos qui sont sur le toit et nous faisons du classement. Puis, nous débutons la réparation de vélos usagés qui proviennent d’un envoi venant de Bike Not Bombs de Boston. Francis et moi travaillons ensemble. Évidemment, nous avons moins d’expérience que les autres filles, mais nous faisons notre gros possible.

Je me sens plutôt down et loin de chez moi. Il me semble que je devrais me sentir bien ici, mais je me sens plutôt triste. Je me demande ce que je fais à l’autre bout du monde. Je me demande si ça me rend vraiment heureuse ce que je fais de ma vie. Dans ce moment où tout autour me paraît plus sombre, j’ai l’impression que non. J’ai vraiment les blues et rien n’arrive vraiment à me consoler sauf un appel de ma fanounette, mon « alcoolique anonyme » préférée. Je pleure et je me demande encore ce que je fais ici. J’ai le cœur lourd, lourd, lourd, mais je sais aussi que ces moments passent finalement. Je vais marcher seule dans la ville. Je me rends au cimetière qui est immense pour une ville de cette taille, cicatrice de guerre. Je pleure et je chante assise entre deux tombes. J’ai la paix (jusqu’à ce qu’un gars complètement saoul arrive en tentant de me consoler!?). Je pars. Je vais à l’église, seul lieu où l’on peut penser tranquille, il me semble.

La ville de San Andres est magnifique. Elle est habitée à grande majorité par des indigènes mayas Kakxi-kel (pas sûre de comment ça s’écrit!). Dans les rues pavées par des dalles, se baladent des hommes à cheval ou avec des ânes chargés. Les gens nous saluent avec des Buenaaaaas! En particulier une vieille maya avec des lunettes solaires teintées bleues qui avait l’attitude d’une rappeuse new-yorkaise : Yo ! Buenaaaaaaaaas! Deux jours par semaines, des vendeurs viennent formés le marché public. Des femmes vêtues de leurs habits traditionnels s’assoient derrière leur panier de légumes frais en attendant de vendre leur marchandise. L’ambiance est superbe avec tous ces kiosques colorés remplis de fruits et légumes et ces gens habillés de mille couleurs et de sourires naturels. Nous allons donc faire le marché et Francis et moi cuisinons quelques repas pour le groupe.

Je commence à prendre sur moi et je retourne travailler dans la même après-midi. Le lendemain je me sens déjà un peu mieux mais, je dois toujours penser où j’en suis. Les gens de Maya Pedal sont très gentils. Carlos est un homme très sensible aux autres, sûrement à cause de son histoire personnelle. Durant la guerre civile, son père a été tué et il a été torturé alors qu’il n’avait que 11 ans. Il a pris du temps pour nous témoigner son expérience très touchante. Les enfants qui rôdent autour de l’atelier sont aussi très attachants, en particulier un jeune garçon assez grassouillet surnommé mala cara. On répare en écoutant une fantastique cassette avec des tounes comme ghostbuster, funky town et life is life. Ça contribue à me remonter le moral. Il y a une pâtisserie qui fait chaque jour une fournée de strudels aux pommes frais et merveilleux. J’ai la chance de recevoir pleins d’appels téléphoniques de ma mère, ma sœur, mon père, Fanie, Louise…

Antigua

Le dimanche Francis me coupe les cheveux environ 5 pouces plus court que ce que je lui avais demandé. Bon. J’ai chialé un peu et je me suis dit que j’avais sûrement besoin de ce changement. Lui et moi se rendons en bus jusqu’à Antigua, alors que les filles ont décidé d’aller ensemble en vélo jusqu’à une montagne. J’ai besoin de passer du temps toute seule et nous nous séparons à notre arrivée. Je parcours les rues de la ville à la recherche d’un snack pas très cher. J’aboutis dans un petit resto où arrivent deux touristes solitaires qui s’assoient chacun à leur table. Nous sommes les trois, regardant dans le vague, loin de la maison. Le voyageur me fait quand même rire avec sa quête de sens à sa vie ou d’une nouvelle spiritualité. Je trouve l’idée ridicule. Alors que les voyages m’ont montré beaucoup de choses sur moi, je trouve que beaucoup de voyageurs ont ce mal de vivre et utilisent le voyage en pensant qu’il s’agit d’une cure pour eux-même.

Malheureusement pour eux, le voyage n’est pas ce qui les fera sentir mieux et le poids de leur propre personne reviendra un jour prochain les étouffer à nouveau. Alors, je suis assise dans ce restaurant, les yeux dans le vague et l’estomac rempli par pure nécessité et pas par plaisir. Je sors. Un couple m’arrête pour me parler. Ils m’invitent à venir les visiter à Guatemala Ciudad. Je marche. J’achète des cartes postales pour mes amies et famille. Je m’assois sur un banc de parc à côté d’un vieux monsieur pour écouter la Marimba, instrument typique du Guate. Puis, un jeune homme passe et me sourit. Je fais la gaffe de faire un sourire. Ouf! Il m’a suivi pendant une demi-heure d’un côté à l’autre du centre-ville, sans me parler, juste me suivre. Je l’ai semé en entrant d’un café internet mais, il m’a retrouvé. Je l’ai enfin perdu après une demi-heure d’internet, il est finalement sorti du café.

Canard dans une « Salsa piquante »

La première semaine se termine bien et nous commençons à visiter les groupes avec qui travaille Maya Pedal. Mario nous a préparé un horaire de visite et tôt le matin du mardi, nous nous rendons en vélo à Chimaltenango chez une famille tenant un élevage de poules, canards et cochons. Francis et moi décidons de leur acheter un canard, un peu pour encourager la famille et pour le trip de cuisiner un repas spécial avec quelques choses que nous ne mangeons pas beaucoup au Canada (quoique nous ne soyons pas de grands amateurs de viandes). Les trois filles qui sont végétariennes le prennent vraiment mal. Elles sont horrifiées par notre attitude. Le gentil homme de la ferme nous donne le fameux canard sans accepter notre argent. Nous suivons la recette de la mère de la famille qui disait de baigner le canard une nuit entière dans le vinaigre et le coke pour ramollir la viande. Finalement, après cuisiner durant des heures entières, le canard sort dur comme une semelle de botte. C’est dégouttant et j’ai de la peine à le manger. Nous avions invité Carlos, Mario et Edwin à savourer le canard. Tout le monde rigole et se fend la mâchoire à tenter de gruger la chair tétanisée du petit canard. Même si nous avions cuisiné le canard à deux, les hommes pensent nécessairement que je suis une mauvaise cuisinière et Carlos tentent de me rassurer en disant que ce n’est pas de ma faute et que la viande de canard sort souvent très dure, même chez les meilleures cuisinières.

En soirée, nous partons avec Mario, Edwin et Manuel vers un bar de salsa de Antigua. Avec 15 minutes de cours avant de partir et nous voilà en pick up vers Antigua en compagnie de Amy et Erica. Erica est une fille assez spéciale dans le mauvais sens du terme, je pourrais dire. J’ai remarqué que lorsque j’entre dans une pièce et qu’elle y est, elle part. Elle a de la difficulté à me dire un simple bonjour le matin et me dévisage souvent. Moi qui ne lui a jamais rien fait et elle qui ne me connaît pas, cette charmante Érica a réellement développé une haine phénoménale pour ma personne. Étant prise pour s’asseoir à mon côté dans le camion vers Antigua, elle se tassait de moi avec dédain arborant un air royalement bête. Son attitude névrosée ne m’a pas empêché de profiter de ma soirée. Durant tout le trajet, Mario nous a conté l’histoire de son grand-père qui aurait été adepte de la magie noire et possédait des dons spéciaux paraît-il. J’ai littéralement bu ses mots et je peux dire que c’est la meilleure histoire vraie que j’aille entendu.

Pour la salsa, Francis et moi avons tenté de vaincre notre gêne mais avec peu de succès. Les danseurs présents étaient des professionnels pratiquant leurs techniques les plus avancées avant une compétition pour les meilleurs danseurs qui a eu lieu une bonne partie de la soirée. Nous avons bu des bières et mangé des habaneas en jasant avec Edwin, Manuel et Mario alors que Érica et Amy restaient à l’écart. Mario nous a parlé du racisme omniprésent au Guatemala contre l’indigène et le pouvoir de l’homme blanc. Encore souvent, les ladinos (métisse) ne laissent pas entrer les indiens dans les bureaux officiels ou dans les universités; chaque jour ils subissent la haine et le rejet pour leur race. L’indien est idiot. L’indien est sale. L’indien vénère les blancs parce qu’ils sont imbéciles. Mario racontait d’être aller avec Richard (un gars de Vancouver qui a participé à démarrer Maya Pedal) à des bureaux gouvernementaux pour faire enregistrer l’organisation. La sécurité ne voulait pas laisser entrer Mario dans l’édifice parce qu’il est indien et Richard (et son pouvoir d’homme blanc) a dû exiger que Mario entre avec lui.

Dernier jour

Quoique l’ambiance s’est fortement dégradée en compagnie de ces demoiselles, Francis et moi avons vraiment bien terminé notre séjour avec Maya Pedal. Nous sommes allés souper tous ensemble chez Mario qui avait un invité spécial pour Francis et moi. Après le bon repas en famille, nous nous sommes retirés avec un ami de Mario, un homme sur le chemin pour devenir un prêtre maya. Orlando, doux et généreux, s’est offert pour répondre à nos questions sur la cosmovision, les croyances et les rites mayas. Nous avons parlé longtemps et nous sommes allés chez lui où nous avons écouté de la musique maya. Les murs du salon étaient tapissés par des photos, des diplômes, la croix maya et plusieurs représentations. Orlando a demandé de ne pas parler de ce dont nous avons échangé avec lui. Donc, je ne le ferai pas. Au revoir.


Départ de San Andres pour el lago Atitlan
31 août 04

Lundi matin, Johanne, Francis et son p’tit prince sont venus chez moi pour me serrer la pince mais comme j’n’étais pas là, le petit prince a dit : puisse que c’est comme ça nous irons au Lago Atitlan.

Nous voilà donc en bus vers Chimal. Après un stop œuf-bine-queso-pan-café, nous prenons un autre bus, direction Panajachel ( le hot, le in, backpacker hotspot). Anecdote : ce que j’aime en Amérique latine, c’est que les adultes vont écouter une chanson à la radio et commencer à chanter en se donnant de tout cœur! Je trouve ça bon de voir des gens s’émouvoir et se donner sans être gêné de ce que les gens peuvent penser. Nous passons la ville de Soloma qui est riche en couleurs avec les broderies des hommes et des femmes qui cheminent sur la place du marché entre d’impressionnants édifices coloniaux. Nous descendons une immense côte sinueuse. La vue sur le lac est à couper le souffle. C’est un joyau bleu au centre d’une série de volcans. Nous prenons le bateau jusqu’à San Juan de la Laguna, suivant les conseils de Mario. Dans le bateau, nous discutons avec des femmes dont l’une est vêtue de son ensemble traditionnel : le huipil, la jupe et la ceinture (j’ai oublié le vrai nom pour jupe et ceinture). Arrivés sur place, un passager nous aide à trouver un hôtel qui appartient à son oncle. C’est un bel endroit à un prix vraiment trop bas.

Les gens du village sont extrêmement gentils et accueillants. Ils nous indiquent où se trouve la plage « las cristalinas » et nous marchons sur un petit sentier qui passe entre les plants de maïs d’environ 3 mètres de haut. On croise des hommes au travail qui nous échange quelques mots. Nous contournons la baie et après avoir passé des rochers où deux jeunes pêchaient à la ligne, nous plongeons dans l’eau claire et rafraîchissante. Un homme en pirogue passe devant nos yeux. Tout est calme, tout est beau. Ça fait du bien après l’atmosphère dégradée que nous avons vécu avec les autres bénévoles de Maya Pedal.

Le soleil se couche et nous retournons au village. Les gens nous saluent et nous dirigent vers une maison éloignée pour acheter nos légumes. On se fait à manger dans la cuisine de l’hôtel en écoutant les conversations des gens; une allemande étudiant la perte des traditions vestimentaires chez les indigènes mayas en relation à leur identité comme indigènes, une hollandaise et un Guatémaltèque (fanatique du mouvement hippie).

Le lendemain au lieu d’aller monter le volcan de San Pedro comme prévu, nous ne faisons rien d’autre que relaxer. On mange (Francis me fait un merveilleux déjeuner au lit!), on fait du hamac, on lit et on va prendre une marche. On visite un atelier de peintures et d’artisanats. Le lac est vraiment beau. Nous dormons beaucoup. On dirait que je ne me suis pas encore remise de mes crises intestinales.

Nous sommes si bien et calme ici. J’y resterais pendant des mois, même que j’y construirais ma petite cabane, je ferais pousser ma milpa et partirais pêcher sur le lac en pirogue.