10
au 14 septembre 2004
Le volcan bouille
10 septembre 2004
On se lève. On va faire du Internet. On se balade dans la ville
et on s’arrête pour regarder une maison de type coloniale
qui paraît assez ancienne. Un homme s’arrête et nous
explique l’histoire de la maison. Son nom est José Eleazar.
Il est né et a toujours vécu à Ahuachapan. Il nous
parle des environs. De la centrale géothermique où il
a travaillé pendant plusieurs années comme soudeur. Cependant
maintenant que l’usine a été acheté par des
étrangers (japonais ou espagnol je crois), il ne travaille presque
plus. Il parle des salaires au Salvador. Il donne l’exemple de
la construction des routes. Le contrat a été donné
à des guatémaltèques (Guatemala est plus riche
que le Salvador) ceux qui font travailler les salvadoriens pour 3$U.S./jour.
Qu’est-ce que tu fais pour vivre et nourrir une famille avec 3$U.S./jour.
Puis, il nous explique comment fonctionne la centrale géothermique
et nous invite à venir avec lui la visiter (à une heure
de marche de la montagne). Il nous parle aussi des cratères et
de la lagune à visiter. On s’organise pour le lendemain.
En attendant, il nous invite à la maison de ses parents qui sont
partis aux États-Unis pour voir sa sœur qui s’est
marié avec un homme là-bas. L’on rencontre son autre
sœur qui est sourde et muette. Elle n’est pas allée
à l’école, ne parle pas le langage des signes et
seule sa famille réussit à la comprendre plus ou moins.
Elle essaie de communiquer, la pauvre, et nous essayons fort de la comprendre,
mais ça marche à peine. Elle doit vraiment se sentir emprisonné
dans elle-même. Ça m’a vraiment touché.
Nous
avons jasé. Ils nous ont offert une banane au chocolat et un
Anona, une grosse pomme costade. Puis, José Eleazar voulait nous
faire voir la rivière et nous expliquer la région. En
parlant de la situation politique et de l’histoire du Salvador,
nous montons sur le terrain d’un ami à lui, car il dit
qu’il y a une vue imprenable de la ville. Nous discutons en regardant
les toits de la ville. C’est tellement bon d’échanger
comme ça. José Eleazar a vraiment un point de vue clair
sur ce qui se passe dans son pays. Il rêve de se sortir de sa
situation de sans-emploi, de pouvoir trouver un emploi comme soudeur
et d’enfin sortir de la pauvreté. On le quitte. Rendez-vous
7h30 devant la crèmerie.
Une journée merveilleuse
11 septembre 04
On se lève en vitesse et on courre vers le marché pour
acheter une pile de pupusas bien grasse avec chou et sauce tomate. On
se rend au parc devant la crèmerie et nous espérons que
José Eleazar sera en retard, tout comme nous le sommes. Il arrive
en retard comme commence la pluie. Nous attendons à boire du
café et discuter jusqu’au moment où nous partons
faire du pouce vers le cratère. Dans la boîte du pick-up,
l’aventure de notre journée commence. On arrête dans
une ville d’où nous trouvons par chance un autre lift jusqu’au
sommet, en retenant une tour de métal de 10m qui vibre sous les
aléas de la mauvais route. José Eleazar est un homme sociable
qui connaît très bien les environs. Il nous amène
à un cratère rond et profond à l’intérieur
duquel l’on voit une plantation de café et un petit sentier
qui tourne en descendant vers le fond. L’on revient ensuite sur
nos pas et l’on voit une maison ronde et spéciale que notre
guide voudrait nous faire visiter. Le propriétaire n’y
est pas et l’on parle un peu avec la voisine qui nous accueille
le temps d’une pluie. On repart maintenant vers la lagune qui
repose dans un cratère. L’endroit est beau et paisible
avec les nénuphars blancs, et quelques vaches qui broutent. Il
fait froid et il pleut. L’on se boit un cafecito dans la cabane
de bois d’une petite dame. On s’assoit près du feu
de leña et on discute avec la vieille. Il y a un secteur du lac
où les gens ne peuvent pas aller se baigner car un courant en
spirale les suçent au fond. Les pauvres baigneurs meurent noyés,
et leur corps sera peut-être retrouvé sortant d’une
source de la montagne.
La
pluie s’arrête et l’on continue notre marche. On s’arrête
chez Juana qui faisait justement griller des elotes (des épis
de maïs) sur le feu. On discute de tout et de rien, alors que José
Eleazar mène la conversation, la dame nous offre des maïs
grillés, sucrés, tendres et délicieux. Elle dit
que les maïs qui poussent dans la montagne possède une saveur
toute particulière. La dame revenait justement de travailler
dans la plantation de café dans le bas du cratère. Elle
travaille vraiment très fort cette femme qui ne se plaint pas.
Elle nous fait goûter à des tomates mauves qu’elle
fait pousser dans son jardin.
L’on
dit au revoir et nous continuons la promenade en montant maintenant
la montagne. José Eleazar s’excite devant un trou de taupe
qu’il veut ramener pour son dîner. Il s’acharne en
vain après son trou pendant que nous espérons qu’il
n’attrapera pas la pauvre bête. On marche à travers
les gros bananiers géants et plus haut, la forêt de pins.
Nous arrivons à la maison du sommet qui a été équipée
de l’énergie solaire par des ingénieurs travaillant
à la centrale géothermique. La maison est une cabane de
briques cuites au soleil et au toit de tôle, entourée par
un incroyable jardin de plantes fleuris. Des femmes nous accueillent
avec leur multitude d’enfants. Nous achetons une pile de tortillas
que la femme cuit sur le comal et celle-ci nous offre un bol de frijoles
que nous mangeons sur un petit banc au milieu du jardin. Nous entrons
quelque temps dans la cuisine pour discuter avec la famille. La dame
explique à José Eleazar comment faire cuire la taupe géante
s’il l’attrape. Les enfants sont super mignons et rigolent
de nos têtes, un peu craintif. Francis fait un show de grimaces
à se rouler par terre. Puis, nous reprenons le chemin, le ventre
bien plein. Le petit gars et la petite fille marchent devant nous pour
montrer le sentier à survivre. Ils sont incroyablement rapides
et agiles sur leurs petites jambes alors que je manque de glisser à
chaque deux pas. Ils nous laissent et nous dévalons le sentier
en regardant les oiseaux de proies et la vallée qui s’étend
à l’horizon. Nous entrons dans les plantations de café,
et nous surfons sur la couche de bouette en évitant les toiles
d’araignée à la dernière minute. Rapidement,
nos souliers deviennent des gros blocs de boues et nous courons en glissant
sans vraiment pouvoir s’arrêter. On rigole bien et chacun
à son tour, nous tombons sur le derrière. José
Eleazar nous fait goûter le lorroco, ingrédient secret
pour les pupusas au fromage.
Alors
que José Eleazar parlait toujours en expliquant où nous
allons, il rentre soudainement dans une maison et nous restons sur le
pas de la porte ouverte, sans savoir où nous sommes. Les gens
ne semblent pas très accueillants, alors que dans les autres
maisons que nous avons visitées, les gens venaient nous rencontrer
et se présenter. On comprend que nous sommes chez lui finalement.
Quoique les familles que nous avons visitées n’étaient
pas riches du tout, la maison de notre guide se révèle
beaucoup plus pauvre et les gens semblent tristes ou angoissés.
La situation nous met mal à l’aise car nous ne comprenons
pas trop ce qui se passe. José Eleazar explique sur le chemin
du retour que sa femme est jalouse car il n’est pas rentré
la veille, il a dormi à la maison de ses parents dit-il. Il s’excuse
de l’attitude de sa femme et ses enfants. Il nous dit que ses
beaux-frères vivent maintenant dans la maison parce que le propriétaire
de la finca de café où ils travaillent ne les a pas payé
depuis trois mois. Ils sont donc dans une mauvaise situation, sans aucun
pouvoir pour exiger d’être payé.
José
Eleazar a changé d’attitude depuis que nous sommes allés
à sa maison. Il revient en autobus avec nous et paraît
nerveux. Plus nous arrivons près de l’hôtel, plus
ses questions tournent autour de notre situation financière :
vous restez à l’hôtel Casa Blanca (hôtel vraiment
luxueux)? Non, Casa Grande (notre hôtel cheap). Alors au Canada
vous avez votre propre compagnie? Non, nous sommes étudiants.
Ce sont des sujets que nous avions déjà parlé avec
lui. Puis, il nous laisse à la porte de notre hôtel et
nous le remercions chaleureusement. Bien que la journée s’est
terminé étrangement, nous comprenons quand même
un peu la situation. Notre guide qui est dans le besoin, a dû
sentir une pression familiale, celle de nous demander des sous. Il n’a
pas osé nous la demander. Nous trouvons que c’est mieux
comme ça et que nous nous serions peut-être senti abusé
s’il l’avait fait à la fin, alors qu’il n’en
avait jamais été question dans la relation d’amitié
que nous avions engagé. On décide qu’on lui laissera
des sous chez ses parents à Ahuachapan pour le remercier de l’incroyable
journée que nous avons passé dans la vie simple du Salvador
à ses côtés.
Les potins internationaux
12 septembre 04
La femme de l’hôtel s’avère très sympathique
au cours des jours suivants « l’incident du resto ».
Elle me montre à faire des pupusas fromage et lorroco et me parle
de son mari. Cette petite femme rondelette au doux visage emploie la
main de fer avec son mari. Elle dit qu’il est une brute avec tout
le monde et qu’il maltraite ses employés. Elle est vraiment
désespérée de son attitude hautaine, lui qui était
riche et propriétaire d’une finca, il y a de ça
plusieurs années. Elle me dit devant ses employées que
selon elle, les travailleurs méritent le respect mais que son
mari est ignoble. Elle a même commencé lui donner des raflées,
seule chose qu’il semble comprendre dit-elle. Elle me confie que
depuis des années elle ne dort plus avec lui, sachant qu’il
voit d’autres femmes et qu’elle aimerait bien qu’il
parte un jour. Elle semble me dire ces confidences pour s’excuser
de la mauvaise attitude de son mari envers moi. Je dois quand même
avouer que je savoure de voir que ce gros macho-abruti a trouvé
quelqu’un de plus fort que lui : sa petite femme! Pendant ce temps,
nous avons changé de chambre et nous nous trouvons dans un endroit
qui est maintenant propre et assez beau. Je commence l’écriture
de Mama Maquin et l’on mange de la salade verte.
Welcome to Hotel California
13 septembre 04
Tiguidou!
On part vers Santa Ana. La route est amusante et assez gondolante avec
de belles collines. On arrive à Santa Ana sans problème
et nous avons l’énigme de continuer pour aller camper ou
aller faire du internet. On se boit une boisson de maïs salée
qui goûte un peu les peanuts et on traverse la ville en entier
pour réussir à trouver un café internet. C’est
le désespoir, le site n’a pas encore changé et donc
Mathieu ne fait rien. On trouve un hôtel à bas prix, le
fameux hôtel Californie. Oh! Such a lovely place, such a lovely
face! En faisant une marche nocturne, nous rencontrons un merveilleux
Metro Centro, un centre d’achat à grande surface avec toute
le gros kit, comme aux États-Unis… Nous jetons un coup
d’œil à l’intérieur pour le plaisir du
magasinage. Nous sommes vivement dégoûtés par ce
choc entre ce que nous croisons dans la vie de tous les jours au Salvador
et ce centre d’achat. C’est deux pays complètement
différents dans le même, c’est-à-dire le Salvador
de la majorité pauvre et le Salvador des riches. Après
dîner j’appelle Mathieu à Montréal et je tombe
sur Marie-Lou qui revient du Vietnam et Nancy.
Les
couples entrent et sortent de l’hôtel California. Je me
fais prendre par le gars d’hôtel à laver mes souliers
avec la lampe frontale sur la tête. Je lui ai fais peur!
La télévision sur l’autoroute.
14 septembre 04
On quitte l’hôtel et des hommes nous indiquent la vieille
route qui nous séduit en place de l’autoroute. Il y a évidemment
plus de côtes sur cette route mais c’est la campagne et
de petits villages que l’on croise. Les gens sont encore un peu
froid à nos salutations. Nous passons des paysages merveilleux,
de grands arbres, des rivières et des hommes à cheval.
Nous mangeons des huisquiles gratinés devant un embarcadère
d’autobus. Les quelques kilomètres de beauté se
terminent vite avec l’embranchement pour l’autoroute. Le
trafic pu et nous avons l’impression de forcer très fort
sur une route très plate qui s’allonge à n’en
plus finir. La longue côte commence et je suis sûre que
je ne me rendrai jamais. J’ai l’impression que ma face est
rouge et que mon cœur bât dans mes joues. Un camion s’arrête
et nous rencontrons Victor, un homme d’un cinquantaine d’années,
qui nous donne son numéro de téléphone pour que
nous fassions quelque chose le lendemain. Un autre camion s’arrête
et deux reporters viennent nous voir et nous proposent de faire une
entrevue avec nous dans les jours qui suivent. Victor nous escorte tout
le long de l’autoroute. J’avance avec beaucoup de fatigue
dans les derniers kilomètres qui mènent jusqu’à
Santa Tecla, ou Sainte-Tècle pour ceux qui connaissent les glissages
d’eau de ce trou de la Mauricie. Nous aboutissons à l’hôtel
El Caminante. Nous sommes fatigués et un peu gelés par
la pollution, nous allons profiter d’un spécial sur la
pizza dans le resto du coin.