15
au 19 septembre 2004
1827,
Indépendance du Salvador
15 septembre 04
La parade a commencé de bonne heure le matin et passe sur la
rue de notre hôtel. Nous mangeons des œufs frits dans l’huile,
avec des platanes frites et un café instant en écoutant
le discours présidentiel à la radio. La parade est merveilleuse
avec des orchestres qui avancent et des danseurs qui suivent le rythme
dans leur costume représentant les différentes époques
du pays. Il y a évidemment les petites majorettes à la
jupe trop courte qui font leur pirouette. Nous marchons rapidement à
travers la foule pour aller rejoindre Victor au bout de la rue. Nous
rencontrons Liliane, son épouse. Ils nous demandent ce que nous
voulons faire.
Le
pays est petit et nous pouvons monter à la plus haute montagne
et se rendre à la plage dans la même journée. Nous
allons chercher notre costume de bain et partons en camionnette vers
la montagne. Malheureusement, la montagne a la tête dans les nuages
et nous ne voyons que de la brume. Nous allons mangé des galettes
d’elotes et des épis de maïs grillés sur la
braise. Victor nous dit que pour pouvoir passer tout ce temps ensemble,
nous avons dû trouver les secrets à la vie de couple. Nous
visitons le musée d’un écrivain national dont j’ai
oublié le nom. Oups! Puis, nous partons à la mer. Le ciel
est plutôt nuageux et le couple nous amène manger dans
un restaurant sur le bord de la mer. Au deuxième étage
du resto, nous avons une belle vue sur les vagues et nous prenons une
bière en mangeant une mariscada, soupe de fruits de mer délicieuse.
On jase de tout et de rien. Victor est un homme fasciné par les
gens qui réalisent des exploits physiques et qui se poussent
au bout de leur limite.
Mais
alors que l’on parle de notre projet face à la Zone de
Libre-Échange des Amériques, il nous dit que selon lui,
il s’agit d’un objectif secondaire. Son opinion me laisse
perplexe. Liliane est vraiment drôle et semble agrémenter
sa vie générale de bonnes blagues. Elle nous parle que
manger du piquant, c’est très bon pour la mémoire.
Le jour suivant avoir mangé du piquant, on s’en souvient
bien lorsqu’on va aux toilettes! La joke décrit vraiment
bien une caractéristique culturelle mexicaine et surtout la sensibilité
des mexicains face à ce qui a trait à leur digestion.
Pendant qu’on mange, un groupe de Baba-cool vient massacrer une
toune de Buena Vista Social Club en frappant trop fort sur leur tamtam.
Victor, très enthousiaste, leur paye une bière à
chacun. Puis, le couple a une autre surprise pour nous, ils nous amènent
dans l’ancien club privé de Victor, du temps où
il travaillait encore dans une banque. L’endroit est bourré
de gens enfouis dans leur hamac jusqu’aux oreilles entourés
par des bouteilles de bières. C’est la grosse vie sale!
On essait d’aller se baigner dans la mer fâchée mais
elle nous attaque avec des bouts de bois et des roches. On repart avec
eux vers des petits chemins de campagne où l’on passe des
maisons de terres et des petits enfants qui font des grimaces. On manque
de rester pris dans la bouette et ils nous ramènent à
notre hôtel bien fatigué et la bédaine trop pleine!
Red
Sinti Techan et passage à la radio
16-17 septembre 04
Après une journée à rien faire, on part en bus
vers San Salvador. Notre passage à la ville de Guatemala nous
a rendu vraiment écoeuré des grosses polluées et
nous ne voulons pas réitérer l’expérience.
On va rencontrer Nidia Hidalgo aux bureaux de l’UNES (union ecologica
salvadoreña) qui est représentante de la Red Sinti Techan.
Elle nous parle de la Red et de ce qui se passe au Salvador. Ce réseau
regroupe des groupes de base et des ONGs du Salvador qui s’opposent
à la signature du CAFTA (Central American Free Trade Agreement)
ou en espagnol TLCCA (Tratado de Libre Comercio de Centro America).
Il s’agit de l’accord que veut faire signer les Etats-Unis
avec le Guatemala, le Salvador, le Honduras, Le Nicaragua et le Costa
Rica. Les Etats-Unis préparent l’accord et les pays d’Amérique
centrale n’ont qu’à signer en bas du document…
Ce que je veux dire par-là c’est que l’asymétrie
qui existe entre les Etats-Unis et ces petits pays du tiers-monde offre
peu de place pour ces pays de négocier CAFTA. En faite, ils n’ont
aucune force de négociation et de toute façon les gouvernements
de l’Amérique centrale sont trop corrompus et de droite
pour être tenter vers des négociations pour protéger
leur économie nationale.
D’un
autre côté, le réseau Sinti Techan s’active
à offrir de l’information sur ce qui peut se passer avec
la signature du TLCCA; voir les impacts sur l’économie
locale, l’environnement, l’agriculture et la santé.
Ils donnent aussi de l’information pour que les politiciens qui
voteront au Congrès soit conscients sur ce qu’ils s’apprêtent
à faire (Bon nombre ne savent pas vraiment ce qui en retourne).
Nidia
nous parle des conditions de vie au Salvador et de la lutte qu’ils
ont dû faire contre la privatisation de l’eau. L’organe
gouvernemental en charge laissait le système à l’abandon
pour justifier sa privatisation. Elle nous fait constater que le Salvador
est un pays qui a une économie basée sur un nombre assez
limité de matière première comme le café,
le coton, le sucre, etc. Le salaire minimum est de 114$ par mois, mais
souvent les travailleurs se font exploiter à un salaire de 3$
par jour. Le pays a été dolarisé depuis quelques
années et le coût des produits de base a augmenté
avec l’adoption du dollar US comme monnaie locale. Plus de 50%
du PIB du pays provient de l’argent des Salvadoriens travaillant
aux Etats-Unis, a majorité illégaux. La rencontre est
super intéressante et on sent que nous ne passons pas assez de
temps dans le pays pour vraiment se faire une bonne idée de la
résistance citoyenne mais c’est la vie ! Après la
rencontre, nous allons faire les végétaux dans un parc
en attendant notre entrevue à la radio ARPAS, un réseau
de 16 radios communautaires dans le pays. On est assez nerveux et on
a de la misère à s’endurer. On marche ensuite dans
les quartiers pour trouver les locaux de la radio et les gens à
qui on demande de l’information nous disent de prendre un taxi
pour ne pas se faire attaquer. Nous croyons que la peur des maras rend
les gens paranoïaques.
On finit par se rendre et en attendant l’entrevue, je vais chier
deux fois avec un retour de la diarrhée. Finalement le gars est
assez relaxe et comparativement à l’entrevue à Tijuana,
il nous prépare un peu sur ce qu’il demandera. Tout se
passe super bien et je parle tout plein et je suis fière de moi
à la fin de l’entrevue de pouvoir réaliser des choses
comme ça en espagnol. On sort de là et on pète
le feu d’excitation. Notre vie est vraiment incroyable et riche
en expérience de toute sorte. Je suis aussi vraiment contente
de vivre toutes ces choses avec Francis. Le lien que nous avons et l’équipe
que nous formons sont des choses si précieuses.
Nous
revenons à l’hôtel et Victor vient nous prendre.
Nous allons chercher sa fille Helen à l’école. Nous
allons rejoindre Lilian et sa mère au Pizza Hut où la
famille nous amène manger. Pizza Hut, un nom qui évoque
beaucoup de choses pour moi. Ce fut mon premier emploi et aussi ma première
expérience de l’exploitation au salaire minimum et la pression
des gérants bourreaux qui vont tout sacrifier pour la rentabilité,
même l’hygiène de base, la santé des clients
et le respect des employés. Je ne vais quand même pas lever
le nez sur l’invitation généreuse de ces bonnes
personnes. Helen est vraiment une jeune femme sympatique et très
naturelle. On passe la soirée à raconter des anecdotes
sur notre voyage pour répondre à leur curiosité.
Victor a un comportement étrange parfois. Alors qu’on raconte
quelque chose, il arrête la discussion et réexplique à
sa femme ce qui nous venons de dire.
Bien
qu’il n’y a rien de compliqué dans ce que nous racontons,
il semble prendre pour acquis qu’il doit réexpliquer les
choses à sa femme pour qu’elle comprenne. Je trouve ça
vraiment rabaissant pour elle et celle-ci semble aussi vraiment mal
à aise par l’attitude de son mari. Finalement, la soirée
se passe bien et ils viennent visiter notre chambre où on leur
montre les vélos et on leur parle de l’équipement.
Ils nous proposent de venir nous visiter à San Miguel si c’est
possible.
Plus vite que les camions
18 septembre 2004
Alors
que la télé devait venir nous interviewer lors de notre
départ de San Salvador, les journalistes nous font faux-pas pour
un accident de la route. Nous partons plus tard que prévu, sous
le gros soleil salvadorien. Par chance, la journée commence avec
une descente formidable de 40 km vers la plage. Nous allons si vite
que nous dépassons les camions et je me sens comme une rockeuse
en furie avec le vent dans les cheveux. Arrivés sur la côte,
la route est plate et la chaleur fait vibrer l’asphalte. Sous
un pont, des chevaux courent dans la rivière fraîche et
je pense à ma nièce qui adore les chevaux.
Nous
arrêtons pour dîner et manger des pupusas de chicharon et
queso, les plus graisseuses sur le marché de la pupusa! Sur la
route, nous plusieurs paysans qui font sècher leurs grains de
maïs sur l’asphalte de l’accotement. Ils étendent
le maïs avec un râteau et le laisse au soleil brûlant.
Nous devons boire beaucoup et la chaleur nous fatigue. Les hommes continuent
de saluer préférentiellement Francis et lorsque des gens
viennent nous parler, ils ne conversent qu’avec Francis. J’ai
l’impression de ne pas vraiment exister pour eux et ça
me rend triste de voir leur attitude. Je me sens exclue. J’aurais
envie d’être seule mais en même temps, l’attitude
générale des gens envers nous me rend insécure.
Je ne me sentirais pas en sécurité de pédaler seule
dans ce pays et je préfère suivre mon instinct.
J’ai
aussi lu un article dans le journal qui parlait de l’augmentation
de la violence envers les femmes. Sans pouvoir vérifier les sources
de ces chiffres, l’article disait que plus de 157 femmes s’était
fait assassiner l’an dernier. Ces cas sont dû à une
violence sociale envers les femmes qui se divorcent, qui sont impliquées
dans une organisation de femmes, violence familiale et autres.
Nous
demandons aux gens où nous pourrions camper sans risque, ils
nous indiquent la station-service de la prochaine ville comme la seule
option. Nous arrivons et il n’y a pas de place pour nous sur le
terrain de la station-service. Francis va demander dans la gasolinera
et le propriétaire saoul, trinquant avec trois amis sous l’air
climatisée, nous propose une solution. Il est sociétaire
d’une colonie de maisons et nous dit d’aller camper dans
cette colonie fermée et surveillée par des gardes de sécurité.
Nous allons encore manger pupusas pour souper : le budget oblige! Puis,
nous nous rendons dans la colonie. Le garde de sécurité
nous propose de dormir dans une maison inhabitée. Vers une heure
du matin, je ne peux trouver le sommeil, le corps en sueur et criblé
de piqûres de moustiques. Nous montons la tente à l’extérieur
pour réussir à trouver un peu d’air frais. Tout
les chiens du voisinage jappent.
Le
réveil est assez pénible et je suis épuisée.
On se lave avec un bol dans la cour-arrière de la maison vide.
Le garde de sécurité vient jaser avec Francis et c’est
à peine s’il me dit un buenos dias de politesse. Nous allons
déjeuner dans une maison de la colonie chez une femme qui nous
prépare à manger. La femme discute avec nous et semble
toute excitée de discuter avec Francis. Elle nous demande si
nous sommes frère et sœur et elle paraît bien surprise
d’apprendre que nous sommes un couple. Elle semble avoir penser
que Francis tentait de la séduire (ce qui n’est pas le
cas!). Je ne comprends pas vraiment ce que se passe ou plutôt
ce qui n’est pas culturellement bien vu et que Francis et moi
ne comprenons pas!?
Je
dois avouer que je ne passe pas vraiment un très bon temps au
Salvador…
Gros machos et pupusas bien graisseuses
19 septembre 2004
Ce jour est chaud et pénible. J’ai pas très bon
caractère, ni très bon moral. J’ai hâte de
sortir de ce maudit pays où les gens sont trop machistas et pas
sympathiques à mon égard. Francis n’est pas non
plus heureux de comment les gens agissent avec moi. Bien sûr,
il s’agît peut-être que d’un concours de circonstances,
mais le pattern que nous voyons est bel et bien existant. Je me divertie
quand même à faire du bike et observer les gens vivre et
les paysages. Durant une pause, un troupeau de vaches nous passe sur
la route et nous roulons avec elles pendant quelque temps, évitant
de rouler dans les cowpies qu’elles laissent sur leur passage.
Vers
l’heure du souper, nous arrêtons manger des pupusas et une
boisson rafraîchissante. Sur la table d’à côté,
de jeunes hommes saouls me lancent des commentaires machos et insistent
sans arrêt par leur clin d’œil horrible et leurs baisers
malgré la présence évidente de Francis. Nous sommes
franchement dégoûtée par leur attitude et nous les
ignorons. Nous n’avons pas de place pour coucher et tout le monde
que nous rencontrons nous parle de la station-service comme d’un
lieu sûr. On demande à la gasolinera et ils acceptent gentiment.
Nous devons quand même attendre jusqu’à 10hrs pour
que la station ferme. En attendant, un gros gars saoul vient «
nous » parler. C’est vraiment désagréable
car il ne me laisse pas dire un mot et ne s’adresse qu’à
Francis tout en ignorant ma présence. Il parle de Francis et
de son voyage. Il l’invite à sa maison (ce qui m’inclut
aussi peut-être, puisque je suis comme la propriété
de Francis!?!). Lorsque je parle il me coupe la parole et insiste que
ce ne soit que Francis qui répond. Je laisse faire. Je lis mon
livre. Que puis-je faire? C’est une grosse brute inculte. Je me
demande encore une fois comment se sont passer les choses pour les femmes
qui ont entrepris ce voyage seule. Comment agirait-il si j’étais
seule?
Puis
la gasolinera se ferme et il ne reste que le garde de sécurité.
Nous nous lavons au sceau derrière l’édifice. Puis,
une pluie tropicale s’abat sur nos têtes et rend la tente
semblable à un bain de vapeur. Vers 1hrs du matin, un gars saoul
vient discuter fort avec le gardien de sécurité pour qu’il
lui laisse les bicyclettes. Nous assistons à cette chaude conversation
qui dure plus de 30-45 minutes. Vers 4hrs A.M. la station-service ouvre
les gros spot light sur notre tente. La nuit ne fut pas une scéance
de regénération et c’est avec le corps mou qu’on
prend la route à 5h30. La fraîcheur du matin nous aide
à avancer. Nous devrons rouler 15km le ventre vide avant de trouver
un resto ouvert.