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au 11 octobre 2004
Sur les routes désertes
du Nicaragua
Vendredi, 8 octobre 2004
Le départ est assez troublant. Je voudrais y rester encore des
semaines, passé plus de temps avec mes sœurs et jaser plus
avec ma mère,… Je sais que je reviendrai et cette fois
pour plus longtemps. Je parle à Ana Luisa pour lui dire que nous
enverrons des sous chaque année pour aider les filles à
poursuivre leur étude. Après avoir embrassé tout
le monde, nous partons. Nous traversons Somoto, passons devant l’église
et le parc. Je suis chargée d’émotions. C’est
si dur de partir parfois… En même temps ça fait partie
de notre voyage, de rouler vers un but, en ligne vers le plus sud.
La
Pan-américaine du Nicaragua est assez vide. Trop peu de gens
possèdent des voitures dans le nord du pays pour causer des embouteillages.
C’est plutôt un camion qui passe aux 15 minutes. Nous passons
d’autres villages qui exposent aussi le drapeau sandiniste. Les
maisons sont très humbles, avec murs de briques en terre. Presque
chaque village porte sa pancarte de publicité pour le support
fourni par US.-AID, ou autres institutions qui servent à soulager
la conscience des pays du Nord qui continuent à faire ce qu’ils
savent faire de mieux : exploiter les ressources et les populations
du Sud.
Nous
chantons du Blues Loco. Pour dîner, nous arrêtons à
un dépanneur pour leur demander s’ils peuvent nous préparer
à manger. La femme nous prépare un repas de rois et l’homme
nous installe dans la salle à manger. Nous mangeons plus qu’à
notre faim. La jeune fille m’offre une fleur de papier mâché
et ses parents nous chargent quelques sous pour le repas. Ça
fait énormément de bien de rencontrer des gens qui prennent
soin de nous, au lieu de profiter du fait que nous soyons étrangers.
Après
une longue et chaude montée, nous arrivons à la ville
poussiéreuse d’Esteli. Nous allons dormir dans un hôtel,
derrière un bar. Nous nous coucherons vers 9hrs et nous dormirons
jusqu’à 11hrs du matin.
Secousses sismiques
9 octobre 2004
Au levée, je dois changer mon câble de vitesse avant et
c’est parti! Nous passons à l’Université de
Ana Segovia mais il y a une fête et elle n’y est pas. En
sortant d’Esteli, nous faisons une pause pour souffler et boire
de l’eau. Un homme nous donne une pomme grenade à chacun
et nous parle un peu. Agriculteur, il nous parle de ses cultures. L’année
a été très sèche et seule la pluie venant
de la queue de l’ouragan a réussi à aider un peu
les petites plantes. On continue dans les montagnes. On s’arrête
acheter du miel et je surmonte ma phobie des abeilles. Heureusement,
il n’y a pas d’abeille mais bien des gens sympathiques.
Il y a cette vieille dame gentille, puis l’odeur des fleurs du
jardin est si attirante… Le miel provient d’un verger d’oranger
et porte une couleur orange doré! C’est meilleur que nous
avons eu.
Puis,
les montagnes prennent fin et nous entrons dans les rizières.
Les cultures de riz sont différentes ici de celle du Vietnam
où il y a presque toujours des femmes travaillant à repiquer
le riz. Au Nica, les champs sont vides sauf pour les Aigrettes au bec
jaune oranger. Nous cherchons un endroit où camper pendant un
long moment. Puis, en demandant à un restaurant, la femme nous
offre d’y dormir. Elle s’appelle Rosa. Nous mangeons un
bon gallo pinto avec de la crème et un choco frio délicieux.
Pendant le repas, les femmes discutent de la secousse sismique qui a
traversé le pays, il y a quelques heures. Elle aurait atteinte
une force toute particulière à Managua et laisse un mauvais
présage pour les prochains jours. En 1976, la ville de Managua
avait été détruite par un gros tremblement de terre
et Rosa nous explique que cet événement avait été
précédé par une secousse semblable à celle
connue aujourd’hui. En fait, suite à une secousse de cette
amplitude dit-elle, les plaques tectoniques doivent retrouver leur position,
indiquant la possibilité d’un vrai tremblement de terre
dans les prochains jours.
Rosa est vraiment aimable et nous pouvons nous doucher avant de dormir.
La nuit se passe avec des craintes de tremblements de terre sur les
aires d’une mauvaise chanson d’amour, qui semble avoir été
sur « repeat » 500 fois dans le bar de saoulons situé
en face du resto.
Des espions dans l’église
10 octobre 2004
Rosa, la femme du resto, nous prépare un petit déjeuner
avec café. Elle nous parle d’un autre cycliste qu’elle
avait rencontré. Il était américain et venait du
texas. Il avait une mission toute particulière à sa traversée.
Il le faisait pour faire libérer des prisonniers (professeurs
cubains je crois) à Cuba. Il croyait si fort en sa mission qu’il
voulait même prendre leur place en prison pour les faire libérer.
Il se faisait aussi porte-parole d’un message pour informer les
gens de la répression et des emprisonnements arbitraires du régime
cubain. En plus, le monsieur aurait eu une vision de venir rencontrer
quelqu’un dans ce resto, avec la pancarte Pepsi. Elle avait l’air
tellement inspiré par le dévouement de cet homme qu’elle
nous a demandé si nous avions une mission à notre voyage.
Nous lui avons expliqué ce que nous faisions. Elle n’a
pas eu l’air de bien comprendre. Un peu abasourdis par la mission
du chrétien américain, nous n’avons pas trop insisté.
Il y a quelques temps, j’avais lu un article du monde diplo je
crois, parlant des arrestations arbitraires aux États-Unis, en
particulier au sujet des prisonniers cubains qui ont été
enfermés sans procès ou par le moyen de preuves toutes
faites. Je ferais plus un tour de bicycle pour dénoncer ce que
fait mon propre gouvernement si j’étais américaine.
La liste des crimes du gouvernement américain est si longue qu’il
n’existe aucune comparaison avec le régime cubain.
En
tout cas, tout ça fait réfléchir sur le sens d’une
mission.
Nous
avons continué la route plus loin que San Benito. En descendant
les montagnes, nous avons vu le lac Managua au loin. Nous sommes arrêtés
dans une ville et, nous avons attendu la fin de la messe pour demander
au curé de l’église si nous pouvions camper sur
leur terrain. Il a accepté et nous avons discuté quelques
temps avec d’autres gens dans l’église. Puis, alors
que nous croyons que tout le monde est parti, nous avons quitté
nos chandails et nos cuissards suants pour se laver au sceau d’eau
sur le côté de l’église. Après plusieurs
minutes d’après nus comme des vers dans notre merveilleux
bronzage multi-tons, nous entendons un bruit de fracas dans l’église.
Nous ne saurons jamais s’il y avait vraiment quelqu’un,
mais si oui, cette personne s’est vraiment payé la traite!
En soirée, des insectes volants harcèlent toute source
de lumière. Ça ressemble à la vue des mannes durant
le printemps à Montréal. Au resto, nous mangeons dans
le noir avec une chandelle pour éviter que d’autres protéines
supplémentaires viennent se rajouter au vol. Avant de me coucher,
je vois une énorme grenouille. C’est beau des grenouilles!
Le chaos de Managua
11 octobre 2004
Le matin du 11 octobre, nous commençons la journée avec
un déjeuner contenant des œufs couverts de boutons qu’en
les piquant avec la fourchette, l’huile végétale
en sort pour venir boucher nos artères. Ces œufs sont biensûr
accompagnés de gallo pinto (fève rouge et riz) frit dans
l’huile, puis refrit, refrit encore et biensûr, pour les
besoins de la cause, réchauffer dans l’huile avant le service.
Le café instant aide à faire passer cette boule dans notre
série de tuyaux. Avec quelques nausées, nous reprenons
la route jusqu’au prochain téléphone. Après
multiples essais, je rejoins finalement Mireille qui avait participé
au même projet de solidarité internationale et qui est
maintenant coopérante au Nicaragua avec SUCO, une ONG canadienne.
Elle m’indique le nom de son quartier et celui de la farmacia
Vida, connu de tous les taxis, dit-elle. Lorsque j’avais fait
le voyage au Nica à 18 ans, c’était mon premier
choc culturel et Managua m’avait laissé cette idée
de ville chaotique et incongrus. Après avoir fait du chemin et
traversé plusieurs villes d’Amérique latine, je
croyais que mon opinion sur Managua changerait. Finalement, pas trop.
C’est vraiment une ville particulière en ce qui a trait
au manque d’urbanisation. Nous nous perdons dans le trafic et
les chemins différents qui nous ramènent au même
point. Les chauffeurs de taxis nous aident mais il a dû se passer
plusieurs fois qu’ils se sont trompés car nous avons roulé
longtemps, longtemps dans tous les sens. Nous arrivons enfin à
la biiiiip Farmacia vida. Mireille arrive en quelques minutes pour nous
ouvrir la porte de sa belle maison située sur la rue d’un
Ceiba, un gros arbre avec pleins de racines aériennes. Hum! Fraîcheur,
confort et excellence! Une cafetière expresso, du fromage de
chèvre, des films pour rien faire, une douche, un bon lit. Mireille
nous accueille les bras ouverts et pour le temps que nous voulons.
Nous
écoutons Harry Potter et nous mangerons une merveilleuse lasagne
accompagnée de salade, bouteille de vin et pour finir chocolat
et porto, gracieuseté de notre hôte.