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24 au 29 octobre 2004




Volcan et les lucioles
24 octobre 2004

Nous essayons tôt le matin de remonter le ch emin de terre avec les trois américains et deux autres canadiens. La boue est terrible et il n’y a aucune possibilité d’avancer. Juste de marcher sur la route et nos souliers forment des raquettes de bouettes. Nous retournons à la plage pour attendre que le soleil sèche la route pour nous permettre de sortir. Puis, vers 14hrs, la route est un peu mieux et nous nous lançons devant un autre camion afin de l’obliger à nous pousser si nous restons pris. Heureusement, la petite westfalia fait bien ça et nous avançons. Sam nous raconte que leur véhicule a manqué de freins dernièrement et qu’ils ont prié Dieu qui les a sauvé. Ils nous disent que la raison pour laquelle ils sont ensemble et font ce voyage est pour leur foi en Dieu. On leur demande ce qu’ils vont voter aux élections qui s’en viennent bientôt. Ils nous disent qu’ils ne savent pas vraiment, que pour eux ça ne change rien, que ça ne les intéresse pas trop et que leur affaire c’est avec Dieu.

Un peu comme si la relation avec Dieu, les mettait au-dessus des problèmes humains. David explique que son père milite pour Carey mais que lui ne sait toujours pas pour qui voter. Il nous demande ce que nous pensons. Je réponds en lui disant que nous avons écouté le dernier débat; que pour la politique étrangère, ils paraissaient aussi pire l’un que l’autre, mais qu’au niveau du droit des femmes, Carey paraissaient avoir des opinions plus progressives (par droits des femmes je voulais dire équité salaire, augmentation du salaire minimum, avortement). David me répond qu’ils sont contre l’avortement. Il semble content de me le dire, un peu pour me provoquer. J’ai fait comme si je n’avais pas entendu.

Je suis assez dégoûtée. Je n’arrive pas à croire que des gens de mon âge, qui voyagent, soient aussi inconscients de ce que fait leur pays et qu’ils soient aussi conservateurs. Contre l’avortement. Au Canada, nous ne sommes pas toujours en train de révoquer des droits acquis. Pour moi, il semble que le débat est déjà clos depuis plusieurs dizaines d’années et merci aux femmes qui ont lutté pour ce droit. C’est facile pour eux qui sont hommes, qui n’auront jamais à faire face à une grossesse de se positionner contre l’avortement de façon aussi unilatérale. Je n’ai jamais eu recours à un avortement mais j’ai connu des femmes qui l’ont fait et qui sans l’avortement, elles auraient une vie qu’elles n’ont vraiment pas choisie. Des conséquences qui durent de neuf mois ou de toute une vie, si elles ne font pas recours à l’adoption. Déjà la conséquence de vivre un avortement n’est vraiment pas agréable physiquement et moralement, mais c’est déjà à des années-lumières de ce qu’ont à vivre les hommes comme conséquence du sexe non-protégé. Je suis désolée mais je crois que les bébés ça se fait à deux! La responsabilité vient aux deux mais il se trouve que les conséquences sont seulement pour la femme.
Je dois dire que toutes nos dernières rencontres avec des américains se sont montrées très décevante. Ils sont extrémistes à outrance. Ça me donne des nausées. Ils ne peuvent pas être de leur temps, il me semble.

Puis, nous sommes débarqués et nous avons remonté les vélos. Nous avons fait quelques commissions et nous avons pris la route en direction de la frontière. La route est presque déserte. Nous avançons au crépuscule en suivant la rive du Lac Nicaragua. Les couleurs sont incroyables. Au milieu du lac, nous voyons l’Ile d’Ometepe avec les deux volcans et la lune qui se lève. Vers l’ouest, de l’autre côté de la route, il y a le soleil qui se couche avec mille tons orangés sur une prairie d’herbes soyeuses et d’arbres au feuillage touffu. C’est si beau et je suis si heureuse de vivre ce moment. Je suis bien avec le vent sur mes joues et dans mes cheveux. Je pourrais pédaler comme ça toute ma vie… Puis, le soleil se couche et nous voulons continuer à rouler car nous sommes trop bien. Dans le noir, nous avançons avec des milliers de petites lumières qui scintillent, des lucioles qui rendent notre avancée nocturne magique. Lorsqu’un auto approche, nous arrêtons sur le côté.

Nous ne savons plus trop où nous sommes, mais nous voulons continuer. Puis, dans la noirceur nous passons la frontière nica sans faire sceller la sortie du pays. Nous entrons au Costa Rica sans aucun problème à l’immigration qui ont réglé les papiers en trente secondes. Ceci donne confiance sur ce que sera le Costa Rica. Les gens sont polies et ont de bonnes manières. Ils nous indiquent où nous pouvons aller dormir, qui est un petit hôtel très propre. Nous allons manger au resto et la nourriture est excellente, pas trop grasse et équilibrée. Le propriétaire du restaurant nous explique les merveilles naturelles de sa province à découvrir et nous donne un article sur la ponte des tortues. Hum! Notre entrée au Costa Rica semble très prometteuse… Peut-être allons-nous découvrir un pays qui nous fera tomber en amour.


La planète des singes
25 octobre 2004

Sur la route qui est bordée par la forêt tropicale, nous avons le loisir de rouler dans l’ombre et de sentir l’odeur fraîche des plantes vertes-croustillantes. Nous passons plusieurs maisons qui sont vraiment plus coquettes et plus riches que celles du Nicaragua. Ce sont toujours des maisons humbles, mais la différence c’est que ce ne sont pas des maisons de pauvres au stade de survie. Nous nous rendons à la ville de La Cruz où nous allons acheter des aliments pour cuisiner. En tentant de retirer de l’argent au guichet automatique qui ne fonctionne pas, nous croisons à nouveau les chrétiens.

Nous continuons la route qui traverse des pâturages et nous dévions vers le parc national de Santa Rosa. Comme j’ai dit à Francis, je veux profiter de ma présence au Costa Rica pour visiter des parcs nationaux et penser un peu plus biologie. L’entrée coûte assez cher mais ça vaut la peine. Nous avons encore 7 long km de faux-plat à faire jusqu’au camping et nous sommes épuisés. Nous arrivons, plantons notre tente sous un arbre gigantesque, nous prenons notre douche et je réussis à convaincre Francis de venir prendre une marche dans la forêt. Malgré ma fatigue, je suis vraiment excitée d’être dans la forêt tropicale sèche. Je me pends à des lianes quand tout à coup… nous entendons des bruits dans le feuillage. Il y a une famille de singes qui restent dans les branches à manger des feuilles. Ils sont entre huit et dix singes et nous pouvons les observer à notre guise avec mes jumelles.


La plus grande beauté du monde
26 octobre 2004

Je réussis à convaincre Francis sans trop d’effort de rester une autre nuit dans le parc de Santa Rosa. Je veux aller faire une marche en forêt et observer les oiseaux, cependant Francis ne semble pas très motivé et insiste sur le fait qu’il doit faire son lavage. Je lui propose une courte promenade.

Une fois dans le sentier nous voyons des singes, des pistes de fourmis et des arbres qui ont des branches qui entrent dans le sol. Je me surprends à vraiment adorer observer les oiseaux qui sont si magnifiques au Costa Rica. Puis, Francis est fatigué-mort et nous décidons à l’unanimité qu’il doit retourner au camping pour dormir.

Je suis vraiment bien toute seule à pouvoir observer les oiseaux et à prendre mon temps pour regarder les plantes. Je m’arrête pour manger un peu à la quebrada, un des rares points d’eau qui servira aux animaux durant la saison sèche. La forêt tropicale sèche est une forêt décidue, c’est-à-dire que les arbres perdent leurs feuilles durant la saison sèche qui dure de novembre-décembre jusqu’au mois de mai. Les plantes ont donc développé des adaptations intéressantes pour survivre à cette période de sécheresse. Un arbre vraiment passionnant est le « Indio desnudo ou indien nu» qui a un tronc vert (photosynthétique) qui reste actif lorsque l’arbre perd ses feuilles. Le tronc vert est couvert par une membrane orangée qui protège les cellules photosynthétiques des dommages des ondes du soleil et agit comme une lunette-soleil. Puis, au bout du sentier, il y a un mirador qui donne une vue sur des km de forêt. Je suis restée un moment à observer cette beauté et à me sentir heureuse d’être en vie.

Au retour au camp, Francis est malade. Je m’occupe de lui. Alors que je veux aller acheter un petit café à la caféteria du parc, je remarque une famille de singes dans l’arbre au-dessus du chemin. Je m’approche pour bien les regarder et un singe se place juste au-dessus de ma tête. J’ai vraiment évité son pipi de justesse, le maudit singe. Maintenant, je sais.


Liberia
27 octobre 2004

Nous partons assez tôt du parc. La route jusqu’à la pan-américaine est vraiment facile. Puis, nous continuons vers Liberia. Nous passons de nombreux ranchs et des vaches dans les pâturages. Nous arrivons affamés à Liberia où nous trouvons un petit resto. Nous surveillons les vélos depuis la vitrine et des gens observent les vélos. Les premiers sont des français assez âgés et sympathiques qui voyagent en tour guidé. Les seconds sont des cyclistes qui sont partis du Guatemala en vélo mais qui ont décidé de laisser tomber. Ils disent que c’est trop dur pour eux de voyager comme ça.

Le reste du temps, nous allons faire des commissions stressantes avec les vélos, dans une ville qu’on ne connaît pas. Aller à la banque, magasiner des souliers pour Francis, une carte routière du pays, l’épicerie… Tout ça avant qu’il fasse noir pour ne pas avoir à rester dans un hôtel. L’épicerie est vraiment semblable à celle retrouver au Canada et nous trouvons des aliments que nous n’avons pas mangés depuis longtemps.

Nous partons enfin. C’est le gros trafic et la route est très mauvaise avec des nids de poule d’une grosseur abyssale. Nous arrêtons à une maison de ferme pour demander où nous pourrions dormir. Ils nous indiquent un endroit qui est en faite l’étable. Il voulait nous envoyer planter notre tente dans la merde de vaches!? Nous décidons de planter notre tente sur le bord d’un chemin peu passant. Nous soupons sous une éclipse de lune.


La pluie torrentielle
28 octobre 2004

On se réveille avec le cri des perroquets. Sur le bord de la route, nous arrêtons prendre un jus de fruits. La fille du café nous parle des beautés de Monte Verde. Nous sommes assez excités d’aller y passer du temps, car l’ancienne professeure de Francis a une maison là-bas. Puis, sur la route, la pluie commence à tomber. Ça fait quelques jours que nous n’avons pas un environnement propice pour se parler. Nous avons un thème assez récurrent d’engueulade : Tu parles pas assez fort! Je ne peux pas parler plus fort. Je cris. Donc, tu ne m’écoutes pas. Je me tanne de t’écouter car je n’entends rien. T’es sourd! Voilà le résumé de nos engueulades qui tombent aujourd’hui en grand fracas sous la pluie torrentielle.

On arrive ensuite à une route qui monte vers Monte Verde. On prend la bretelle, mais nous nous sommes entendus à l’unanimité que nous n’allions pas monter cette route en vélo. On fait du pouce. Le premier lift c’est des gars de la station-service qui nous le font jusqu’à Las Juntas. Nous traversons péniblement la ville qui suit des torrents de montagnes et s’élèvent assez haut. Nous arrêtons au bord de la route vers Monte Verde mais il est passé 4hrs et le trafic est inexistant. Une femme et sa fille nous invite à passer la nuit, lorsqu’un camion de ferme se propose de nous embarquer. Nous sommes assis dans la boîte avec les vélos et nous montons vers les nuages. La route en terre est vraiment affreuse à cause des trous causés par les fortes pluies. Le camion brasse et nous sommes contents de ne pas tenter de le faire en vélo, une tâche impossible. Le moteur chauffe et on fait des pauses. Puis, le chauffeur termine sa route et il nous laisse à un embranchement. Nous faisons du pouce alors que la noirceur commence. Des beaux pick-up conduits par des américains nous passent en accélérant, alors que la majorité des Ticos (nom que se donnent eux-mêmes les Costa Ricains) nous font un petit signe désolé ou nous demandent où nous allons. La noirceur tombe. Puis, il fait noir, noir. Nous faisons peur aux gens d’être dans le noir au milieu de nul part. Après avoir insisté, on se rend compte que nous devrons trouver un camping pour la nuit. Nous mettons notre tente dans la pente la plus légère retrouver dans ces montagnes. L’orage commence. Il pleut comme il a rarement plu, plus puissant qu’une douche pression. Dans notre sweatlodge, je cuisine un bon riz chinois. Puis, on dort vraiment épuisés.