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18 au 25 novembre 2004



Les pionniers explorent
leurs contrées

18-20 novembre 2004

Nous sommes entourés par la nature et l’air est merveilleux. Il faisait frais durant la nuit et nous avons bien dormi. On se réveille et le soleil brille. Sur une des tables faites de grosses planches de bois, nous prenons le soleil, buvons notre café avec pan dulce et nous lisons. Puis, nous allons prendre une marche dans la forêt. Ici, la température change très rapidement. Il fait soleil et soudain la brume avance subtilement et avant que l’on s’en rende compte, il fait froid et il pleut. J’adore vivre ces journées de changements entre le soleil chaud et cajoleur et le vent froid et la pluie. J’aime ce repos dans la nature à lire et à ne rien faire. La forêt est étrange. La matière organique au sol est extrêmement épaisse et l’on croirait que l’on peut s’enfoncer jusqu’au genou à certain endroit. Il s’agit donc d’une forêt décidue. Les arbres sont couverts de mousses et il y a de grandes fougères. Le milieu est très humide et plusieurs arbres sont morts debout. Il y a quelques épiphytes.

Le jour suivant alors que nous déjeunons, une guide touristique arrive avec deux touristes américains. On jase un peu et ils reviendront plus tard pour nous donner un autre gros déjeuner qu’ils ont acheté pour nous au restaurant. C’est gentil! La guide racontait que lorsque les pionniers venaient, ils portaient le bois que les gens du lendemain allaient utiliser pour se chauffer. Le bois dehors est effectivement très humide et ne sèche presque pas. J’ai donc l’idée d’aller en chercher dans un centre de recherche sur les poissons qui est situé à quelques kilomètres de là. La grille d’accès au centre est fermée et des barbelées passent en haut de la clôture. Nous longeons la clôture jusqu’à arriver à des barbelés. Nous nous faufilons entre les fils coupants lentement, avec prudence et nous marchons sur le chemin vers le centre. Puis, nous entendons des jappements. Nous voyons arriver un petit chien et derrière lui un énorme et gigantesque Berger Allemand qui fonce droit sur nous à toute allure, l’écume aux dents. On se met à courir le plus rapidement que nous pouvons pour sauver notre peau. Comme les jambes longues de Francis courent plus vite, je me retrouve un peu derrière, imaginant déjà les morsures du chien dans mes mollets tendres. Je cris à Francis : « Abandonnes-moi pas! » Puis, nous passons les barbelés en vitesse et l’on continue de courir vers la maison. La peur de notre vie!

Durant la nuit qui suit, nous dormons à poing fermé lorsqu’un tremblement de terre commence. Ça n’a duré que 45 secondes mais ce fut suffisant pour que l’on s’invente un plan d’urgence dans le cas où…


Montée et descente et encore montée…
21 novembre 2004

Nous partons tôt le matin après le beau soleil. Nous ne pouvons pas rouler trop longtemps sans arrêter à cause du manque d’oxygène à cette altitude. On voit une prédominance des arbres nains du côté gauche de la route et de côté droit, un peu plus élevé, nous ne voyons que de petites plantes au sol parmi la mousse et le lichen, bien semblable à la toundra. Nous faisons quinze kilomètres de montée jusqu’à notre arrivée au sommet. La vue est magnifique mais les nuages viennent vite nous cacher l’horizon. Nous commençons la descente dans la brume, habillés chaudement et avec notre imperméable. La vitesse est vertigineuse et nous passons cette belle végétation qui change considérablement. Plus nous descendons, plus nous voyons des mûrs de vignes avec des fleurs bleues.

Le trafic augmente un peu avec la descente et nous arrêtons à temps pour ne pas foncer dans un camion. Il y aurait trois jours, juste après que nous soyons passé, un camion-citerne a fait un carambolage. La route a été bloquée depuis ce temps, laissant attendre les véhicules pendant des heures avant de les laisser passer. Nous attendons en mangeant un plat de lentilles au curry et nous reprenons la route. Nous arrêterons à San Isidro pour acheter à manger et hop! On repart.

La montée recommence à travers la campagne. Nous sommes encore hors de la Pan-américaine et les côtes sont encore plus à pic. Nous arrêtons pour regarder le paysage. L’on voit d’un côté le Cerro de la Muerte avec la tête dans les nuages et à côté le Chirripo, le plus haut sommet du Costa Rica. Il y a une belle rivière qui sillonne le creux de la vallée. Nous trouverons vers les 5hrs un genre de cabane qui semble abandonnée, avec un toit et un patio de ciment. Essayant la latrine, Francis a poussé un cri lorsqu’une chauve-souris a voulu sortir du trou alors qu’il était assis dessus. Hahaha! J’ai fait la même expérience quelques heures plus tard. Bouhou!


Jus orange, colère noire et rivière bleue
22 novembre 2004

On se fait réveiller ce matin par un type avec la machette dans la main. Le type s’avère à être très gentil. Il nous offre du jus d’orange et des pan dulce. Francisco va travailler avec sa machette. On se fait un repas consistant. Puis, Francisco revient nous parler. Il parle, et parle et parle encore de sa femme qui est partie, de la jalousie, de sa nouvelle compagne, des gens qui l’ont provoqué et de sa nouvelle vie sans alcool et avec Dieu. L’on continue la route avec de la montée jusqu’à ce que l’enfer commence. La route est extrêmement à pic et extrêmement dangereusement à cause des failles, des crevasses et des tournants aveugles. Je tente de maintenir ma vitesse sous les 50 km/hrs sans brûler mes freins. Si je suis inattentive 5 secondes, je vais mourir là.

À presque chaque tournant je fais une rencontre avec une voiture venant dans l’autre sens qui heureusement reste dans sa voie. Cette route n’est même pas conseillée pour un 4X4 je dis. À un moment donné, je suis vraiment devenue en colère contre la route pour risquer ma vie comme ça. Puis, nous sommes sur le plat. Nous sommes entourés de parcelles de forêts et passons des pancartes avec des paresseux dessinés qui disait de faire attention aux animaux. Nous avons mangé une barre granola en regardant les vaches sur le bord de la route. Après avoir acheté des fruits sur la route pour Dominical, nous décidons d’aller nous baigner dans l’idyllique rivière bleue, paradis de calme, de fraîcheur et de pureté.

Puis, Francis et moi avons une confrontation. Lorsque je trouve un site merveilleux, je veux en profiter et vivre ce que cet endroit offre. C’est pourquoi j’aimerais passer le reste de la journée à la rivière à écouter les oiseaux, à me baigner. Depuis le début du voyage, Francis est stressé que nous n’arriverons pas au bout. Il presse toujours les choses pour aller plus vite et de ne pas arrêter longtemps. J’ai l’impression que ça m’empêche de vivre une foule de choses que je voudrais apprécier. Je ne fais pas ce voyage pour regretter ensuite de n’avoir rien visiter. À chaque fois, je dois forcer les choses pour que nous prenions le temps de rester dans des endroits intéressants. En plus, jamais nous n’arrêtons parce que lui trouve un endroit intéressant et je trouve ça dommage pour lui. J’ai confiance que nous arriverons au bout si nous le voulons, nous avons déjà fait tout ce chemin. Il sait qu’il doit apprendre à relaxer sur ce sujet et nous décidons de rester pour passer la nuit.


La biodiversité sur la route
23 novembre 2004

On vole sur une route neuve et bien pavée qui borde la mer. On sauve une tortue de la mort en sortant la petite de la route. Nous croisons une famille de toucans qui viennent tout près de nous. Ils sautent d’un bond en bougeant la tête d’une drôle de façon. Ils sont vraiment très beaux et je suis vraiment éblouie de voir ça. Il fait très chaud sur la route et nous arrêtons prendre un deuxième petit déjeuner. On passe des plages superbes et nous quittons la côte. Nous arrivons vers la fin d’après-midi lorsque nous demandons au type du magasin près de Cortes qui dit que nous pouvons camper près de la rivière. Cette rivière est encore plus belle que la première avec une eau très claire et des cascades. C’est la joie de pouvoir sauter à l’eau et se laver. On glisse dans les cascades et on se détend dans l’eau fraîche. On monte le camp. On cuisine dans une invasion de fourmis et on mange sur le pont sous la lune qui brille.


Soda près de Guaria
24 novembre 2005

On se lève et on va sauter dans l’eau. On lave notre linge dans la rivière et on fait des hauts sauts dans la rivière. On part assez tard dans la chaleur avec la chance d’un ciel couvert. Pour dîner nous arrêtons sous un arrêt d’autobus où nous mangeons les restes un assez suris de la veille. On voit que le village à beaucoup moins d’argent et que les gens sont pauvres. Nous avons constaté le contraste au Costa Rica entre les zones où il y a des étrangers qui y vivent ou y viennent faire du tourisme et les zones où il n’y en a pas. Le problème c’est que les étrangers des pays développés, qui ont nécessairement plus d’argent que le Tico moyen, viennent visiter ou vivre au Costa Rica (nous avons rencontré un très grand nombre) et font augmenter les prix des produits élémentaires. Les régions qui sont en dehors de cet afflux d’étranger se retrouvent souvent à payer les produits plus chers, sans la venue de revenus pour compenser. Espérons que le gouvernement saura aider à une redistribution car sinon les ticos pourraient se voir mis en marge dans leur propre pays. Cela dépendra aussi de l’attitude des nouveaux venus.
Pour ce qui est de la politique du Costa Rica, c’est le seul pays dont le gouvernement s’est opposé au TLCCA (Accord de Libre-Échange Centre-Américain) à moins de négociations du traité. En effet, le gouvernement a exigé quelques exceptions pour le Costa Rica. Dans les pays d’Amérique centrale, c’est aussi le seul pays qui est en mesure de négocier. De plus, l’opposition aux politiques néo-libérales au Costa Rica m’apparaît plus organisé au niveau des institutions et d’organisations d’importance, que je n’en connaisse pas assez.
Nous continuons à rouler tranquilo.

Nous voyons un pont arraché. Une dinde a voulu m’attaquer lorsque j’essayais de demander à une dame pour camper. Nous avons continué la route jusqu’à un Soda. Nous sommes arrêtés pour un café et nous avons demandé encore où nous pourrions camper. L’homme du café nous a offert une maison avec un toit derrière le Soda. Nous avons monté la tente sous le toit dehors. On s’est douché. J’ai lavé du linge et Francis a cuisiné. Il a failli se faire manger par le chien attaché lorsqu’il a voulu lui caresser la tête.


Pénibles procédures frontalières
25 novembre 2005

Le ciel est encore couvert. Nous avançons lentement vers la frontière. Nous sommes très fatigués encore une fois. Je prépare du granola dans un arrêt d’autobus à côté d’un élevage de porc intensif, avec toutes les odeurs et les cris qui s’y rapportent. Je ne sais pas pourquoi nous avons dîné là, avec un sandwich au jambon et une odeur de purin.

On continue de pédaler jusqu’à ce qu’une forte pluie nous attrape. Nous attendons sous un arrêt d’autobus et un petit garçon vient nous tenir compagnie. On repart dans la pluie qui ne s’arrête pas. Mon pneu se dégonfle lentement. Je dois arrêter pour le réparer. Un homme vient parler à Francis et ne m’adresse pas la parole. Il dit à Francis de me dire ce que je devrais faire avec mon pneu, comme si j’étais trop conne pour savoir quoi faire ou même de pouvoir comprendre ce qu’il me dit de faire. J’ai de la boucane qui sort par les oreilles. Je suis vraiment dégoûtée par le machisme.

Nous arrivons à la douane et cette fois nous devons respecter les règles. Nous attendons longtemps du côté Costa Ricain pour sceller la sortie. Un gars moron et moitié saoul qui s’invente le rôle d’ « aider » les étrangers tente de se faire payer d’autres bières. Francis pogne les nerfs quand le gars commence à lui lire sa carte de touriste : « ici, tu dois écrire ton, ici tu dois écrire ton nom de famille… » Le monsieur a dit que nous étions les plus méchants canadiens qu’il ait rencontré. Nous sommes contents d’avoir ce titre pour lui!

Les ordinateurs de la migration ont planté et le gars tente de le faire par téléphone. Après le couché du soleil, nous arrivons donc du côté panaméen pour trouver un genre de cabane qui sert d’immigration où des travailleurs informels nous disent quoi faire. C’est toujours trop bizarre; il y a trop de monde à la frontière, il n’y a pas de panneau d’indication, on nous demande de payer pour des petits collants pour le passeport…Ce n’est pas rassurant. Dans la noirceur totale, nous arrêtons pour demander des informations à la station-service et j’ai fait une bonne joke. Je suis arrivée avec mon vélo devant la pompe à essence et j’ai dit d’un air relaxe : « le plein SVP ». Les gars ont été surpris et ils ont bien rit. Nous roulons jusqu’à la Posada du Rêve doré où nous écoutons à la télé une biographie du Tigre, un joueur d’accordéon très populaire du Panama.