Les pionniers explorent
leurs contrées
18-20 novembre 2004
Nous sommes entourés par la nature et l’air est merveilleux.
Il faisait frais durant la nuit et nous avons bien dormi. On se réveille
et le soleil brille. Sur une des tables faites de grosses planches
de bois, nous prenons le soleil, buvons notre café avec pan
dulce et nous lisons. Puis, nous allons prendre une marche dans la
forêt. Ici, la température change très rapidement.
Il fait soleil et soudain la brume avance subtilement et avant que
l’on s’en rende compte, il fait froid et il pleut. J’adore
vivre ces journées de changements entre le soleil chaud et
cajoleur et le vent froid et la pluie. J’aime ce repos dans
la nature à lire et à ne rien faire. La forêt
est étrange. La matière organique au sol est extrêmement
épaisse et l’on croirait que l’on peut s’enfoncer
jusqu’au genou à certain endroit. Il s’agit donc
d’une forêt décidue. Les arbres sont couverts de
mousses et il y a de grandes fougères. Le milieu est très
humide et plusieurs arbres sont morts debout. Il y a quelques épiphytes.
Le
jour suivant alors que nous déjeunons, une guide touristique
arrive avec deux touristes américains. On jase un peu et ils
reviendront plus tard pour nous donner un autre gros déjeuner
qu’ils ont acheté pour nous au restaurant. C’est
gentil! La guide racontait que lorsque les pionniers venaient, ils
portaient le bois que les gens du lendemain allaient utiliser pour
se chauffer. Le bois dehors est effectivement très humide et
ne sèche presque pas. J’ai donc l’idée d’aller
en chercher dans un centre de recherche sur les poissons qui est situé
à quelques kilomètres de là. La grille d’accès
au centre est fermée et des barbelées passent en haut
de la clôture. Nous longeons la clôture jusqu’à
arriver à des barbelés. Nous nous faufilons entre les
fils coupants lentement, avec prudence et nous marchons sur le chemin
vers le centre. Puis, nous entendons des jappements. Nous voyons arriver
un petit chien et derrière lui un énorme et gigantesque
Berger Allemand qui fonce droit sur nous à toute allure, l’écume
aux dents. On se met à courir le plus rapidement que nous pouvons
pour sauver notre peau. Comme les jambes longues de Francis courent
plus vite, je me retrouve un peu derrière, imaginant déjà
les morsures du chien dans mes mollets tendres. Je cris à Francis
: « Abandonnes-moi pas! » Puis, nous passons les barbelés
en vitesse et l’on continue de courir vers la maison. La peur
de notre vie!
Durant
la nuit qui suit, nous dormons à poing fermé lorsqu’un
tremblement de terre commence. Ça n’a duré que
45 secondes mais ce fut suffisant pour que l’on s’invente
un plan d’urgence dans le cas où…
Montée et descente et encore montée…
21 novembre 2004
Nous partons tôt le matin après le beau soleil. Nous
ne pouvons pas rouler trop longtemps sans arrêter à cause
du manque d’oxygène à cette altitude. On voit
une prédominance des arbres nains du côté gauche
de la route et de côté droit, un peu plus élevé,
nous ne
voyons que de petites plantes au sol parmi la mousse et le lichen,
bien semblable à la toundra. Nous faisons quinze kilomètres
de montée jusqu’à notre arrivée au sommet.
La vue est magnifique mais les nuages viennent vite nous cacher l’horizon.
Nous commençons la descente dans la brume, habillés
chaudement et avec notre imperméable. La vitesse est vertigineuse
et nous passons cette belle végétation qui change considérablement.
Plus nous descendons, plus nous voyons des mûrs de vignes avec
des fleurs bleues.
Le
trafic augmente un peu avec la descente et nous arrêtons à
temps pour ne pas foncer dans un camion. Il y aurait trois jours,
juste après que nous soyons passé, un camion-citerne
a fait un carambolage. La route a été bloquée
depuis ce temps, laissant attendre les véhicules pendant des
heures avant de les laisser passer. Nous attendons en mangeant un
plat de lentilles au curry et nous reprenons la route. Nous arrêterons
à San Isidro pour acheter à manger et hop! On repart.
La
montée recommence à travers la campagne. Nous sommes
encore hors de la Pan-américaine et les côtes sont encore
plus à pic. Nous arrêtons pour regarder le paysage. L’on
voit d’un côté le Cerro de la Muerte avec la tête
dans les nuages et à côté le Chirripo, le plus
haut sommet du Costa Rica. Il y a une belle rivière qui sillonne
le creux de la vallée. Nous trouverons vers les 5hrs un genre
de cabane qui semble abandonnée, avec un toit et un patio de
ciment. Essayant la latrine, Francis a poussé un cri lorsqu’une
chauve-souris a voulu sortir du trou alors qu’il était
assis dessus. Hahaha! J’ai fait la même expérience
quelques heures plus tard. Bouhou!
Jus orange, colère noire et rivière bleue
22 novembre 2004
On se fait réveiller ce matin par un type avec la machette
dans la main. Le type s’avère à être très
gentil. Il nous offre du jus d’orange et des pan dulce. Francisco
va travailler avec sa machette. On se fait un repas consistant. Puis,
Francisco revient nous parler. Il parle, et parle et parle encore
de sa femme qui est partie, de la jalousie, de sa nouvelle compagne,
des gens qui l’ont provoqué et de sa nouvelle vie sans
alcool et avec Dieu. L’on continue la route avec de la montée
jusqu’à ce que l’enfer commence. La route est extrêmement
à pic et extrêmement dangereusement à cause des
failles, des crevasses et des tournants aveugles. Je tente de maintenir
ma vitesse sous les 50 km/hrs sans brûler mes freins. Si je
suis inattentive 5 secondes, je vais mourir là.
À
presque chaque tournant je fais une rencontre avec une voiture venant
dans l’autre sens qui heureusement reste dans sa voie. Cette
route n’est même pas conseillée pour un 4X4 je
dis. À un moment donné, je suis vraiment devenue en
colère contre la route pour risquer ma vie comme ça.
Puis, nous sommes sur le plat. Nous sommes entourés de parcelles
de forêts et passons des pancartes avec des paresseux dessinés
qui disait de faire attention aux animaux. Nous avons mangé
une barre granola en regardant les vaches sur le bord de la route.
Après avoir acheté des fruits sur la route pour Dominical,
nous décidons d’aller nous baigner dans l’idyllique
rivière bleue, paradis de calme, de fraîcheur et de pureté.
Puis,
Francis et moi avons une confrontation. Lorsque je trouve un site
merveilleux, je veux en profiter et vivre ce que cet endroit offre.
C’est pourquoi j’aimerais passer le reste de la journée
à la rivière à écouter les oiseaux, à
me baigner. Depuis le début du voyage, Francis est stressé
que nous n’arriverons pas au bout. Il presse toujours les choses
pour aller plus vite et de ne pas arrêter longtemps. J’ai
l’impression que ça m’empêche de vivre une
foule de choses que je voudrais apprécier. Je ne fais pas ce
voyage pour regretter ensuite de n’avoir rien visiter. À
chaque fois, je dois forcer les choses pour que nous prenions le temps
de rester dans des endroits intéressants. En plus, jamais nous
n’arrêtons parce que lui trouve un endroit intéressant
et je trouve ça dommage pour lui. J’ai confiance que
nous arriverons au bout si nous le voulons, nous avons déjà
fait tout ce chemin. Il sait qu’il doit apprendre à relaxer
sur ce sujet et nous décidons de rester pour passer la nuit.
La biodiversité sur la route
23 novembre 2004
On vole sur une route neuve et bien pavée qui borde la mer.
On sauve une tortue de la mort en sortant la petite de la route. Nous
croisons une famille de toucans qui viennent tout près de nous.
Ils sautent d’un bond en bougeant la tête d’une
drôle de façon. Ils sont vraiment très beaux et
je suis vraiment éblouie de voir ça. Il fait très
chaud sur la route et nous arrêtons prendre un deuxième
petit déjeuner. On passe des plages superbes et nous quittons
la côte. Nous arrivons vers la fin d’après-midi
lorsque nous demandons au type du magasin près de Cortes qui
dit que nous pouvons camper près de la rivière. Cette
rivière est encore plus belle que la première avec une
eau très claire et des cascades. C’est la joie de pouvoir
sauter à l’eau et se laver. On glisse dans les cascades
et on se détend dans l’eau fraîche. On monte le
camp. On cuisine dans une invasion de fourmis et on mange sur le pont
sous la lune qui brille.
Soda près de Guaria
24 novembre 2005
On se lève et on va sauter dans l’eau. On lave notre
linge dans la rivière et on fait des hauts sauts dans la rivière.
On part assez tard dans la chaleur avec la chance d’un ciel
couvert. Pour dîner nous arrêtons sous un arrêt
d’autobus où nous mangeons les restes un assez suris
de la veille. On voit que le village à beaucoup moins d’argent
et que les gens sont pauvres. Nous avons constaté le contraste
au Costa Rica entre les zones où il y a des étrangers
qui y vivent ou y viennent faire du tourisme et les zones où
il n’y en a pas. Le problème c’est que les étrangers
des pays développés, qui ont nécessairement plus
d’argent que le Tico moyen, viennent visiter ou vivre au Costa
Rica (nous avons rencontré un très grand nombre) et
font augmenter les prix des produits élémentaires. Les
régions qui sont en dehors de cet afflux d’étranger
se retrouvent souvent à payer les produits plus chers, sans
la venue de revenus pour compenser. Espérons que le gouvernement
saura aider à une redistribution car sinon les ticos pourraient
se voir mis en marge dans leur propre pays. Cela dépendra aussi
de l’attitude des nouveaux venus.
Pour ce qui est de la politique du Costa Rica, c’est le seul
pays dont le gouvernement s’est opposé au TLCCA (Accord
de Libre-Échange Centre-Américain) à moins de
négociations du traité. En effet, le gouvernement a
exigé quelques exceptions pour le Costa Rica. Dans les pays
d’Amérique centrale, c’est aussi le seul pays qui
est en mesure de négocier. De plus, l’opposition aux
politiques néo-libérales au Costa Rica m’apparaît
plus organisé au niveau des institutions et d’organisations
d’importance, que je n’en connaisse pas assez.
Nous continuons à rouler tranquilo.
Nous
voyons un pont arraché. Une dinde a voulu m’attaquer
lorsque j’essayais de demander à une dame pour camper.
Nous avons continué la route jusqu’à un Soda.
Nous sommes arrêtés pour un café et nous avons
demandé encore où nous pourrions camper. L’homme
du café nous a offert une maison avec un toit derrière
le Soda. Nous avons monté la tente sous le toit dehors. On
s’est douché. J’ai lavé du linge et Francis
a cuisiné. Il a failli se faire manger par le chien attaché
lorsqu’il a voulu lui caresser la tête.
Pénibles procédures frontalières
25 novembre 2005
Le ciel est encore couvert. Nous avançons lentement vers la
frontière. Nous sommes très fatigués encore une
fois. Je prépare du granola dans un arrêt d’autobus
à côté d’un élevage de porc intensif,
avec toutes les odeurs et les cris qui s’y rapportent. Je ne
sais pas pourquoi nous avons dîné là, avec un
sandwich au jambon et une odeur de purin.
On
continue de pédaler jusqu’à ce qu’une forte
pluie nous attrape. Nous attendons sous un arrêt d’autobus
et un petit garçon vient nous tenir compagnie. On repart dans
la pluie qui ne s’arrête pas. Mon pneu se dégonfle
lentement. Je dois arrêter pour le réparer. Un homme
vient parler à Francis et ne m’adresse pas la parole.
Il dit à Francis de me dire ce que je devrais faire avec mon
pneu, comme si j’étais trop conne pour savoir quoi faire
ou même de pouvoir comprendre ce qu’il me dit de faire.
J’ai de la boucane qui sort par les oreilles. Je suis vraiment
dégoûtée par le machisme.
Nous
arrivons à la douane et cette fois nous devons respecter les
règles. Nous attendons longtemps du côté Costa
Ricain pour sceller la sortie. Un gars moron et moitié saoul
qui s’invente le rôle d’ « aider » les
étrangers tente de se faire payer d’autres bières.
Francis pogne les nerfs quand le gars commence à lui lire sa
carte de touriste : « ici, tu dois écrire ton, ici tu
dois écrire ton nom de famille… » Le monsieur a
dit que nous étions les plus méchants canadiens qu’il
ait rencontré. Nous sommes contents d’avoir ce titre
pour lui!
Les
ordinateurs de la migration ont planté et le gars tente de
le faire par téléphone. Après le couché
du soleil, nous arrivons donc du côté panaméen
pour trouver un genre de cabane qui sert d’immigration où
des travailleurs informels nous disent quoi faire. C’est toujours
trop bizarre; il y a trop de monde à la frontière, il
n’y a pas de panneau d’indication, on nous demande de
payer pour des petits collants pour le passeport…Ce n’est
pas rassurant. Dans la noirceur totale, nous arrêtons pour demander
des informations à la station-service et j’ai fait une
bonne joke. Je suis arrivée avec mon vélo devant la
pompe à essence et j’ai dit d’un air relaxe : «
le plein SVP ». Les gars ont été surpris et ils
ont bien rit. Nous roulons jusqu’à la Posada du Rêve
doré où nous écoutons à la télé
une biographie du Tigre, un joueur d’accordéon très
populaire du Panama.